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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 00:23

La mort par les déchets plastiques

 

 

Les matières plastiques sont nées avec le XX° siècle, la première basée sur un polymère synthétique est la bakélite (1907), le polychlorure de vinyle PVCIMGP1496-copie-2.JPG (1931), le plexiglas et les polyamides nylon (1935), le téflon (1938), le formica (1941), le polycarbonate (1953), le polystyrène (1961), le kevlar (1965),le terpolymère ABS (1990), les polymères conducteurs intrinsèques (2000), etc.etc...Les chercheurs et les industriels ont donc encore beaucoup de beaux jours devant eux pour continuer recherches et productions dans un domaine aussi vaste, aussi peuvent ils laisser tomber certains créneaux comme le conditionnement et l'emballage qui sont  bien partis pour asphyxier la planète. IMGP1539.JPG

En 2001 la production mondiale de polyéthylène avoisinait les 54 millions de tonnes !.Les bio plastiques sont environ 30% plus chers que les plastiques d'origine pétrochimique et les combustibles fossiles (pétrole) sont des sources importantes de gaz à effet de serre. La masse totale des ordures ménagères est composée de 7% de plastiques, elles ont une longue durée de vie et deviennent une cause de pollution durable. Lors de leur dégradation les plastiques rejettent des produits toxiques pour l'environnement. Considérés comme un produit  non noble, les consommateurs en ont fait un « jetable » après usage.

Les matières plastiques sont des matériaux organiques de synthèse (polymères) extraits généralement du pétrole (représentant 4% de la consommation) on y rajoute des additifs et adjuvants pour modifier les caractéristiques physiques et chimiques (couleur, plasticité, vieillissement, résistance aux chocs).IMGP1598.JPG

 Ils représentent jusqu'à 85% des déchets ramassés sur le littoral, lorsqu'ils sont incinérés dans des fours à 800°C,ils dégagent en quantité des dioxines,  dangereux composés chimiques car très stables et non dégradables par l'organisme. C'est un matériau difficile à recycler car non unique, il existe des milliers de formules chimiques non compatibles entre elles, seuls les PP, PET et PEHD sont recyclables. Il est temps d'imposer aux fabricants une reconception des produits pour les rendre assimilables par la nature: les « biodégradables ». C'est du plastique végétal fait d'amidon de maïs ou pomme de terre, sa durée de vie utile doit correspondre à son temps réel d'existence matériologique. Les PLA (acide polyactique) en font partie mais moins rentables pour les industriels sont donc marginalisés, ne représentant qu'une part infime du marché!.

2008_1002Testigos0036.JPGLes déchets plastiques courants tels que: jouets, sacs, bouteilles etc... finissent  dans les cours d'eau, rivières, avant de se retrouver dans tous les océans du monde. Les plastiques flottants tuent des espèces protégées, ainsi les sacs plastiques assimilés à des méduses sont ingérées par les tortues qui ensuite meurent étouffées. Certains déchets plastiques flottants se fragmentent en petites particules que 2008_1002Testigos0037.JPGl'on retrouve partout en mer (il suffit de regarder les tamis de filtre à eau de mer de n'importe quel navire de commerce ou de pêche!) ceci explique aussi la mort de quantité d'oiseauxde mer comme les frégates, albatros ou fou  de bassan etc... Les parents amènent à leurs poussins ce qu'ils croient être de la nourriture, car en mer les déchets flottants se couvrent d'organismes (coquillages, mollusques, pousse-pieds etc..) les petits meurent d'inanition ne pouvant ni les digérer ni les régurgiter.

albatros.jpgLes déchets plastiques rejetés en mer depuis le littoral et les cours d'eau,

coulent plus ou moins rapidement pour 70% d'entre eux, le reste continuant à dériver des dizaines d'années! Au gré des vents et des courants selon les forces de Coriolis générées par la rotation de la terre, pour se concentrer en partie dans  des zones connues sous le nom de « gyre subtropical », le plus connu étant celui du Pacifique nord (38°N, 145°W), il en existe dans l'Atlantique nord, la méditerranée et l'hémisphère sud. Ces plaques de déchets marins sont estimées à plusieurs centaines de kilomètres et d'une densité variant de 32 mille à 1 million de particules au Km² sur une trentaine de mètres d'épaisseur selon la densité des débris.

canards-en-plastique.pngEn 1990 le navire « Hansa Carrier » a perdu en mer une partie de sa cargaison soit 80 000 chaussures « Nike », les courants marins les ont réparti sur les cotes de la Colombie britannique, Washington et l'Orégon sur une période de 3 ans, même scénario en 1992 pour 30 000 canards en plastique jaune perdus par un autre cargo!.

Depuis mon départ d'Hendaye en 2007 et mon retour en cours soit 4 années à la barre d' « emrener », j'ai privilégié la fréquentation des îles parfois inhabitées

constatant une pollution dramatique par les déchets plastiques notamment les

bouteilles d'eau ou coca etc... je n'ai pas de solution miracle, mais commençons par éduquer les plus petits dès la maternelle (c'est trop tard pour les parents!) à ne pas prendre la nature, les plages la mer et la terre en général pour de vastes poubelles.

 

Yvon

 

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29 octobre 2009 4 29 /10 /octobre /2009 18:48
 

 

Opération « SIMBA »

 

Au cours de la tempête du 12 au 13 novembre 1999, le vent d'Est, d'une extrême violence drosse trois navires sur la plage de Port la Nouvelle et fait chuter une éolienne. La pression barométrique est très basse, ce qui, conjugué à la poussée des eaux vers l'ouest sous l'effet du vent d'Est ,crée une sur-cote du niveau de la mer d'environ 1,40 mètre. Il s'en suit un phénomène de barrage hydraulique, empêchant l'eau des rivières de s'écouler normalement vers la mer, les pluies incessantes et très fortes créent des inondations à l'intérieur des terres (plusieurs morts dans la région de Lézignan).

Dès mon arrivée à Port la Nouvelle, j'essaie de me rapprocher du port pour évaluer la situation, les rues sont inondées et mes bottes pas assez montantes!! La vedette « tous temps » de la SNSM juge l'état de la mer trop apocalyptique pour accepter de m'embarquer afin d'essayer de monter à bord d'un des navires en détresse car, pour franchir la passe, il faudrait affronter une véritable muraille d'eau de mer et le risque de chavirage est grand.

J'ai conscience qu'il va falloir attendre une amélioration des conditions météorologiques pour intervenir à bord de « l'Arvin » puis du « Danube Voyager », ces deux navires ayant sollicité l'aide des « Abeilles International ». Le remorqueur de haute mer « Mérou » arrivé sur zone va devoir tenter une connexion avec l'Arvin échoué, le Mérou ne peut pas approcher, compte tenu de son fort tirant d'eau. François Ferrandiz et moi ayant fini par embarquer à bord du Mérou, nous hâlons à l'aide d'un Zodiac un cordage en polypropylène depuis le remorqueur pour effectuer la première liaison jusqu'au cargo en difficulté, mais à l'approche de l'arrière de ce dernier, et du fait de la remontée des fonds, la hauteur des vagues s'amplifie sérieusement. Une déferlante plus musclée que les autres nous fait chavirer, deux jeunes marins ukrainiens n'hésitent pas à se jeter à l'eau pour nous prêter main forte à redresser le Zodiac et terminer le passage de la remorque.

Nos efforts seront vains car la pression barométrique ayant commencé à remonter, le niveau de la mer redescend doucement et les trois navires se retrouvent prisonniers de la plage.

Le troisième navire, le « Simba » est un cas particulier, n'ayant pas sollicité d'aide, espérant sans doute s'en sortir seul, continue à faire tourner son hélice alors qu'il est déjà ensablé sur environ 4 mètres de profondeur!

Le commandant, de confession musulmane, me fait bien comprendre qu'il n'y est pour rien dans son échouement, « c'est la faute à Dieu ! »me dit-il. Le dialogue s'annonce délicat. Son second et l'équipage sont pris en charge par les sociétés caritatives locales afin de leur fournir de quoi survivre. L'état Français met l'armateur en demeure de retirer son navire, mais dans ce cas, et c'est fréquent, si la valeur vénale du navire est inférieure aux frais de déséchouement et de réparations, il y a abandon. Deux solutions se présentent, la première consiste à laisser le navire se transformer en épave que la mer et la rouille attaquent pendant des dizaines d'années, les côtes d'Afrique et autres continents sont parsemées de ces coques en décomposition; la deuxième ést de démanteler ou déséchouer le navire aux frais des contribuables (du moins, ceux qui payent des impôts!).

Le « SIMBA » est un vieux cargo brise-glace à lège (sans cargaison) sous pavillon « Georgia » construit en 1971, longueur 102 mètres, largeur 14 mètres.

Après plusieurs mises en demeure restées sans effet aux représentants de l'armateur pour mettre fin à la situation générée par la présence du navire, l'état engage la procédure de réquisition. En effet, considérant l'urgence de faire cesser tout danger représenté par la présence du Simba sur le littoral, envers la sécurité des personnes et des biens, ainsi que pour la sauvegarde du milieu naturel, la société « Les Abeilles International » est réquisitionnée par la préfecture de l'Aude (28/02/2000) pour procéder d'office au déséchouement, remorquage et transfert vers le port de Sète.

(Rappel sur le « port de refuge » : Avant de déséchouer le Capitan Tzanis à Anglet le 14/10/97, je n'avais pas pris la précaution d'exiger des autorités françaises un port de refuge, si bien qu'une fois au large, le navire est resté un mois en mer sous remorque avant d'être accepté dans un port espagnol, avec tous les risques de nouveau naufrage l'hiver dans le golfe de Gascogne, ça rappelle un peu l'Erika. C'est pourquoi à partir de cette date j'ai refusé toute tentative de déséchouage sans la garantie préalable d'un port de refuge.)

La société « Les Abeilles International » devenue depuis « Les Abeilles » ayant perdu comme c'était prévisible, ses compétences extérieures, par manque de volonté. Il est si facile de supprimer une « cellule sauvetage » composée d'éléments volontaires, courageux et corvéables dans la difficulté, par la présentation d'un joli bilan financier. Le sauvetage appartient aux hommes de valeur, qui risquent leur vie, pas aux financiers qui risquent leur place.

La société Wijsmuller est sous-contractée pour les opérations de dragage afin d'utiliser sa drague mobile montée sur chenilles : « The Salamander ». Un joli monstre d'acier, constitué d'une tour carrée de 6 mètres de haut, propulsée par 2 chenilles de 1,20 mètre de large et 6,5 mètres d'empattement pour une bonne assise sur le sable compte tenu de ses 55 tonnes. Un groupe hydraulique perché en partie haute, entraîné par un diesel Caterpillar, alimente une pompe située en partie basse sur l'embase. Cette dernière ayant un débit théorique de 700 m3/heure de sable pour 2500 m3/heure d'eau de mer.

Deux tuyaux de 18 mètres de long par 0,35 mètre de diamètre situés de part et d'autre de la tour, réglables en inclinaison par vérins hydrauliques permettent de contrôler la cote d'aspiration et la hauteur de refoulement.

Toutes les liaisons entre la centrale et les divers asservissements se font en hydraulique car en général complètement immergés. L'ensemble est très polyvalent, démontable, et modulable pour être transporté par barge, camion ou avion afin d'utilisation en tous points du monde.

Le pilote, situé au niveau supérieur, gère la conduite de la Salamandre, devant rester vigilant sur la stabilité de l'ensemble.

Après délaissement du Simba par son armateur, les membres de l'équipage quittent le navire le 15 mars 2000 afin de regagner leurs pays respectifs (10 Syriens et 2 Roumains). C'est donc un navire sans équipage que nous allons devoir remettre en service, avec très peu de moyens car pas de retour sur investissement prévu !. François et moi entreprenons la remise en état des compresseurs d'air, groupes électrogènes, pompes de circulation, tuyautages etc... travaux indispensables pour remettre le cargo en service, ainsi que l'établissement des gréements de remorquage (afin de pouvoir atteindre le Simba sur la plage en transportant du matériel, j'ai dû m'acheter un 4X4 perso car la Société juge trop onéreuse la location d'un véhicule (Wijsmuller en a loué deux!).Qui plus est, pour éviter tout risque de pollution, le navire a été vidé de tout son fuel et huile moteur des caisses, j'ai donc dû faire remettre à bord plusieurs m3 de fuel pour alimenter les moteurs, à l'aide des mats de charge par fûts de 200 litres.

Les travaux de déséchouement comportent 3 phases de pompage du sable avant d'envisager le début de remorquage. Le 18 mars, début de la première phase, soit 12 jours pour creuser une piscine autour du navire afin de le mettre en flottaison, en revenant au niveau normal de la Méditerranée soit 1,4 mètre plus bas que le niveau atteint au plus fort de la tempête. Il faut contrôler l'assiette et la gîte en imposant les tirants d'eau souhaités pour minimiser les réactions du fond sur la coque (maximum 20 cm de déformation, après quoi il faut déplacer le tuyau d'aspiration de la Salamandre), limiter les fatigues de coque en assurant la stabilité de l'ensemble. (En effet il y a risque de cassure du navire comparable à l'effet de la houle sur un navire en mer comme l'Erika).

Deuxième phase: 20 jours supplémentaires pour faire pivoter le Simba du cap 208°Cm en venant au 075°Cm. L'opération consiste à pomper le sable sur bâbord avant et tribord arrière en maintenant la ligne de mouillage bâbord sous tension, l'ancre ayant été repositionnée à plus de 6 maillons (environ 180 mètres), tirée par la Salamandre (la ligne de mouillage tribord s'étant rompue lors de l'échouement). Deux jours d'interruption due aux intempéries auront fait perdre une dizaine de jours de pompage pour revenir à l'état initial.

La dernière phase consiste à creuser un chenal dans l'axe de sortie avant connection au remorqueur de haute mer « Mérou ». Une remorque spéciale « Steel-lite » de très haute résistance et flottante est utilisée afin de rester au-dessus d'une zone d'obstacles composée de tripodes en béton (récifs à poissons) obligeant le « Mérou » à se positionner à plus de 800 mètres au large.

Le samedi 22 avril, sous les efforts conjugués des 100 tonnes de traction du Mérou, du guindeau et des 25 tonnes de poussée du moteur principal du Simba (diesel B&W type 5-50 VTBF-10), les 2600 tonnes d'acier du Simba prennent rapidement de l'erre vers le large. Une fois en pleine mer, le moteur est stoppé et isolé afin de continuer la route vers Sète sous remorque uniquement. Il y sera amarré en attendant d'être vendu aux ferrailleurs.

J'en profite pour remercier l'équipe Wijsmuller et sa Salamander, l'équipage du Mérou, le pilotage de port la Nouvelle, la préfecture maritime de Toulon ( l'amiral Bosq) et l'équipe des Abeilles Marseille (François, René et Philippe).

 

MOUNES Yvon

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28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 14:28
 
 
Coques en Stock
ou
Le vrai faux naufrage de l'East-Sea
 
       Dans la nuit du vendredi 16 au samedi 17 février 2001, le vraquier «  East-Sea » sous pavillon cambodgien navigue cap à l'ouest au large des côtes varoises, la mer est belle et la surveillance du littoral absente. En effet, le week-end vient de commencer et le sémaphore de Saint-Jean Cap-Ferrat est mis en sommeil jusqu'au lundi matin !!! Ceci dit, l'activation des sémaphores n'empêcherait pas un navire d'aller s'échouer volontairement en prenant un cap perpendiculaire à la côte. La manœuvre est rapide et la surveillance permettrait simplement d'activer les secours, évitant aux « naufragés » de quitter le navire pour aller réveiller les riverains afin d'alerter les secours, et qui sait, d'appréhender les trafiquants ! Le CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) ne risque pas de recevoir un appel de détresse de l'East-Sea, ce dernier ayant mis volontairement le cap sur la plage de Boulouris. Dans la précipitation à vouloir quitter le navire ou se fondre aux émigrants, l'équipage « voyou » a sous- estimé la dérive, loupant la plage d'une centaine de mètres et fracassant l'avant sur l'enrochement ouest, provoquant une brèche dans le bordé tribord avant sous la flottaison, le moteur laissé en marche avant à demi-puissance. Le vraquier trouve ainsi une position d'équilibre que j'entretiens en réglant la propulsion en avant très lente afin de limiter les contraintes sur la coque.
L'East-Sea naviguait « incognito » dans les eaux territoriales des 12 milles soit dans la zone économique exclusive des 200 milles, sous couvert de la convention internationale de Montego Bay (1982), risquant simplement un contrôle des garde-côtes sensibles à la contrebande (armes, drogue, alcool, tabac etc...),à l' immigration clandestine, et le plus important, à la pollution (c'est ce qui se voit le plus sur les plages !). Cette convention établit pour tous les navires un régime de « droit de passage inoffensif » dans les eaux territoriales. Le comportement devant être un transit normal, ne portant pas atteinte à la paix, à l'ordre et à la sécurité de l'état riverain et s'effectuant en conformité avec les règles de droit international. Toutefois un état peut réglementer dans certains domaines (sécurité à la navigation, préservation des ressources et protection contre la pollution) de façon raisonnable, sans imposer aux navires étrangers des restrictions à l'exercice du droit de passage inoffensif.
J'ignore dans quelle mesure « le passage incognito » est encore sous le régime du « droit de passage inoffensif anonyme », car compte tenu de la généralisation des systèmes de détection AIS (Automatic Identification System) cela permet de connaître en temps réel l'identification et tous les paramètres de navigation d'un navire (cap, vitesse et position). Il sera toujours facile de couper l'alimentation électrique de l'émetteur AIS pour interrompre l'envoi automatique des données.
Définir une politique communautaire serait peut-être une bonne approche pour endiguer le flux d'immigration clandestine, mais comment y parvenir ? La France proposait à l'encontre des passeurs une amende de 5000 € par clandestin en cas d'accordement de l'asile ! Ainsi que de rendre responsable le transporteur, pas étonnant que de nombreux candidats au passage préfèrent payer à prix d'or un système organisé via des passeurs mafieux, que celui de monter discrètement à bord de cargos, au risque d'être jetés à la mer en pâture aux requins lorsqu'ils sont découverts... J'ignore aujourd'hui où nous en sommes, mais les sanctions étaient par exemple d'environ 750 000 € en Finlande, 3 000 € au Royaume Uni, 1 500 € en France et 75 € en Belgique... Belle harmonisation européenne. Le trafic de clandestins reste une affaire juteuse; dans le cas de l'East-Sea cela coûtait environ 3 000 € par adulte et 1 000 € par enfant. Retirons le prix du navire, environ 120 000 € (valeur à la démolition), ça laisse encore environ 1,5 millions € aux organisateurs. L'âge moyen des trafiquants est de 35 ans et les peines de prison prononcées entre 8 et 10 ans par le tribunal correctionnel de Draguignan le 16/12/2008. 10 ans par défaut à Majeed Mohammad (Syrien), Abdulkader Houban (Syrien) Sali Lukman etc... presque tous syriens sauf le propriétaire du bateau, Wissam Abbas Al Rai (Libanais) condamné à 6 ans.
La convention de Dublin (15/06/1990) précise qu'on ne peut demander l'asile que dans le pays où l'on est arrivé.
Les mineurs non expulsables sont placés en centre d'accueil et souvent les émigrés sont sans papiers, ce qui facilite pour certains une fausse déclaration sur l'âge, et surtout sur le pays d'origine, la règle étant de ne pas renvoyer un émigrant provenant d'un pays en guerre. Dans le cas de l'East-Sea, les 900 Kurdes en provenance d'Irak, fuyant le régime de Saddam Husseim, provenaient en réalité de Syrie, une communauté Yazidie, consciente que la vérité sur leur provenance risquait de les faire reconduire chez eux. Malgré le fait que les Kurdes, qu'ils soient d'Irak, de Syrie ou de Turquie, sont amenés à fuir la répression. Ainsi les trois quarts ont obtenus l'APS (autorisation provisoire de séjour).
Ce vrai faux naufrage ne doit pas faire oublier les vrais:
décembre 1996, le « Yolam » au large de la Sicile : 300 morts
en 1997, au sud-ouest de la Turquie : 21 morts ;Tanger : 23 morts; Tarifa : 37 puis 30 morts ; Otrante : 16 ; Montenegro : 100 ; Otrante : 60 ; littoral Turc : 60 ; Sud Italie : 180 …plus récemment au large de la Lybie : 220 morts. Une liste interminable. En 2008, l'Italie compte 36 000 arrivées par mer en provenance d'Afrique du nord (dont 75% sont demandeurs d'asile).
Au delà du titre « Coques en Stock » un clin d'œil à Tintin « coke en stock » dans le trafic d'esclaves embarqués en fond de cale, je crains un autre type de trafic , celui de l'océanisation des vielles coques dans les profondeurs des océans, avec des cargaisons douteuses du genre « déchets » nucléaires, réglant de fait le coût du retraitement, facile à faire, et je pense sans scrupules pour les mafias du monde, j'aimerai espérer que cela ne soit que de la fiction ou un mauvais rêve de ma part.
Je termine par un rapport de mer amplifié puisque j'étais à bord de l'East-Sea.
 
                       RAPPORT de MER      [version amplifiée]
Je soussigné MOUNES Yves Capitaine de 1ère classe de la Navigation maritime, exerçant la fonction de "Salvage Master" à la société "Les Abeilles International "basé à Le Havre quai Lamandé, certifie:
Samedi 17 février 2001, vers 08h45 M. Christian Q. directeur d'exploitation de LAI m'informe par GSM de l'échouage du vraquier" East-Sea "près de St Raphaël au niveau de Boulouris et me demande de m'y rendre afin d' évaluer la situation. Après confirmation de la disponibilité de M. F.Ferrandiz maître d'équipage, nous faisons route vers le lieu de l'échouage que nous atteignons à llh15.Le navire est échoué à la position 43°25,02N & 006°49,5E Cap au 265° gîte bâbord entre 5° et 10°. Moteur principal en avant Demi, la coque en appui au niveau de l'étrave sur l'enrochement ainsi que le bordé sur l'avant tribord. Les secours ont déjà installé des passerelles en bois ainsi qu'une coupée du navire reposant sur l'enrochement au tiers avant tribord, procédant au débarquement un à un des passagers. Il doit en rester environ la moitié à bord soit près de 500. A la passerelle je rencontre deux représentants des affaires maritimes, un maître Principal de la section antipol de Toulon et les responsables des marins pompiers dirigeant cette opération. En effet monsieur Q. (L.A.I.)me confirme que nous ne sommes pas manager et mon rôle se limite à l'aspect consultatif, j'en informe le commandant du Mérou, m'en remettant ainsi à sa disposition.
J'effectue un examen de la cale principale, accessible par 3 panneaux de descente (1 à l'avant et 2 sur l'arrière ouverts pour ventiler la cale, les 2 panneaux de cale étant fermés.)
[ j'effectue la descente dans l'unique cale du navire en apnée, tellement l'odeur d'urine est forte, imaginez 908 personnes enfermées dans une cale sans panneaux ouverts, pendant une dizaine de jours, hommes, femmes et enfants, sachant que trois naissances y ont eu lieu dans ces conditions d'hygiène épouvantables] Un mélange composé de plusieurs centaines de couvertures, matelas et vêtements de toutes sortes abandonnés pêle-mêle commence à flotter sur le plafond de ballast, alimenté en eau de la fissure générée par le déchirement de la tôle sur une longueur horizontale d'environ un mètre, entre deux membrures légèrement au-dessus du plafond de ballast ainsi qu'une deuxième déchirure horizontale commençant à se former 80 cm plus haut. Ces fissures correspondent au point d'appui de la coque sur une protubérance rocheuse, qui sous l'effet des mouvements de la houle de SSE s'agrandit lentement mais inexorablement . Les pompiers tentent de colmater au mieux les fissures à l'aide de chiffons et coins de bois.
L'assiette positive du navire fait couler l'eau vers l'arrière, laissant accessible la préparation d'un batardeau qui ne sera rempli de ciment qu'à la fin du débarquement des passagers, une fois la propulsion stoppée. En effet la position d'équilibre du navire est due à son appui sur les roches, son amarrage sur divers rochers à tribord et la poussée de l'hélice, la barre étant à zéro.
Je mets en garde les pompiers du fait que la présence des chiffons et couvertures flottant dans la cale entraverait le fonctionnement des pompes.[Je m'entend répondre qu'il n'est pas nécessaire de retirer cet amas de couvertures, leur pompe étant adaptée. Ce à quoi je fais remarquer que je n'ai jamais vu de pompe capable de fonctionner dans ce cas!] Afin de diminuer les contraintes de la coque sur la roche, je règle la vitesse du moteur principal au minimum sans le caler, la bouteille d'air tribord est vide et la pression de télécommande à Zéro. Le groupe électrogène bâbord est en service, mais l'embrayage de la pompe hydraulique attelée est hors d'état, d'où l'inutilisation des apparaux de pont. Aucun plan ni document des circuits machine n'est présent à bord, seuls certains volants et commutateurs possèdent des identifications en "arabe ". Vers 12h45 la remorque en polypropylène du Mérou est disposée par le chaumard central arrière et tournée sur 3 bittes, la connexion s'effectue avec prudence le moteur principal étant toujours en avant très lente. Le Mérou attend remorque molle la fin du débarquement.
Je demande aux remorqueurs s'ils possèdent des moto-pompes d'assèchement disponibles à nous transborder, le niveau d'eau augmentant doucement, laissant entrevoir un léger mouvement de carène liquide occupant un tiers de la surface de la cale. Les pompiers me font remarquer qu'il n'est pas envisageable de vouloir utiliser du matériel thermique dans une cale fermée, alors qu'ils vont disposer d'un système à flux hydraulique!
Vers 13h00 le Super Frelon dépose le groupe motopompe hydraulique " Stanley" sur le panneau de cale ainsi que les pompes et flexibles. Les marins pompiers disposent leur matériel et commencent le pompage par le panneau d'accès bâbord arrière. La pompe est partiellement immergée dans un panier plastique pour limiter l'engorgement par les chiffons, pendant qu'un autre pompier essaye d'éloigner les objets flottants à l'aide d'une planche. Le débit de la pompe est même supérieur à celui de la brèche, le niveau commençant à diminuer lentement. J'avise les pompiers qu'une fois le navire à flot, le tirant d'eau avant et le débit augmenteraient, aussi il serait bon de prévoir une seconde pompe, afin de pouvoir faire route sur Toulon.
Vers 14h00 le débarquement des passagers est terminé, la coupée embarquée, huit pompiers, un maître principal antipol et deux LAI restent à bord. Les avaries dans la cale se sont un peu aggravées, les coups successifs de la coque sur la roche ont allongé les fissures de part et d'autre des deux membrures concernées. La pose du ciment prompt dans le batardeau améliore bien le colmatage de la brèche.
Vers 14h15 je stoppe la propulsion de l' "East-Sea ", le Mérou monte progressivement en puissance, tractant le plus possible vers l'Est, un pâté rocheux se situant sur le travers bâbord. A 14h35 le navire a reculé de 2 mètres, et les trois bittes où était tournée la remorque se sont cisaillées. Vers 15h00 le GPD fait une plongée pour inspection de la coque pendant que nous recommençons la manœuvre de passage du même gréement, ceinturant la partie arrière tribord du pavois, le bâti du cabestan et la paire de bittes restante.
A 16h00 la remorque est parée, le Mérou remet progressivement en tension, jusqu'au déséchouage vers 16h15. L'East-Sea prend rapidement de l'erre en arrière, route vers le large, le Mérou diminuant sa traction. La gîte du navire se stabilise entre 5 et 10 degrés sur tribord, conduisant à l'interruption du pompage pour disposer l'aspiration sur tribord arrière. Les pompiers m' ayant assuré disposer d'une autonomie au moins égale à "H +24 ", le remorquage doit pouvoir s'effectuer sereinement. Vers 17h00 le Mérou est largué, pour connecter sur l'arrière une aussière en polypropylène plus légère de la Carangue. Le Mérou peut ainsi rentrer son matériel de déséchouage, et préparer la remorque de mer avec sa pantoire fusible.
La pompe hydraulique cale fréquemment, stoppant le groupe Stanley. La deuxième pompe hydraulique se semble pas être compatible,[en effet les raccords hydrauliques sont différents, donc pas adaptables, ce qui signifie que la deuxième pompe restera hors service] le pompage est donc interrompu, l'eau continuant à monter dans la cale, la gîte atteignant les 15 degrés.
Un va-et-vient est établi entre le gaillard du navire et le Mérou par l'intermédiaire des deux chaumards avant. Une fois la pantoire à bord, l'œil est capelé sur une paire de bittes. Il est 17h30 le Mérou peut entreprendre le remorquage dès le largage de la Carangue.
18h00 le pompage est toujours stoppé, le carburateur du groupe Stanley est démonté pour recherche de panne, la gîte est passée à 20 degrés tribord, aussi je me fais confirmer par le commandant des marins pompiers, que la phase pompage est très sérieusement compromise.[où sont-ils les "H+24"?] Après nouvel examen de la situation ,j' observe que le mouvement de carène liquide occupe toute la surface de la cale, nous mettant dans le cas le plus défavorable de perte de stabilité (ce navire n'ayant qu'une seule cale) et considérant qu'un mouvement non prévisible dû à la houle, peut entrainer le chavirage du navire.[J'essaie d'expliquer aux marins pompiers que la perte de stabilité d'un navire diminue avec le carré de la surface liquide et que nous sommes dans le cas le plus défavorable d'un navire à une seule cale! aussi j'envisage avec certitude le fait que le navire coulera vers minuit, mais je ne puis prévoir à quel moment il risque de chavirer!] L'enfoncement continue sur l'arrière,l'eau atteint le niveau du faux-pont et sur l'avant, la brèche est immergée d'environ 1.5 à 2 m. Après avoir informé le Mérou de mes observations, il est envisagé une évacuation du navire. Les pompiers assurant le pompage seront transférés sur la Carangue par zodiac.[François, le bosco des "Abeilles" doit se résigner à devoir se faire hélitreuiller pour la première fois, car sa présence dans le zodiac semble créer le seuil de "surcharge"] Je profite de la présence sur zone de la vedette (GM) pour lui demander de se rapprocher coté tribord afin d'être parée à intervenir en cas d'homme à la mer et il m'ait répondu qu'il n'est pas question d'approcher la coque du navire afin d'éviter d'éventuelles avaries !!!
Vers 18h15 arrivée du Super Frelon, hélitreuillage du groupe Stanley, du bosco LAI, des deux officiers marin pompiers [laissant le super-frelon en "stationnaire au dessus du navire, je redescend dans la cale afin de prendre les mesures de période de roulis en fonction de l'envahissement de l'eau dans la cale, observations utiles pour mieux anticiper les phénomènes de chavirages] et moi-même. Dernier survol de la zone avant de faire route vers la DZ de l'arsenal de Toulon où nous débarquons vers 18h45.
19h30 rencontre au COM avec l'amiral Habert pour débriefing.[c'est toujours le week-end, il n'est donc pas prévu qu'un chauffeur de l'arsenal puisse nous raccompagner à ma voiture laissée à Boulouris, c'est donc un militaire en fin de quart qui se propose de nous ramener dans sa voiture et hors de son service!] 20h00 retour vers Boulouris pour récupération de véhicule personnel 21h30 " fin de mission"
J'affirme ce rapport sincère et véritable me réservant le droit de l'amplifier si besoin est.
Marseille le 19/02/2001
 
L'East-Sea a sombré le 18/02 à 00h00 par 1000m de fond en position N43°25'.5 et E007°01'.47
 
 
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25 août 2009 2 25 /08 /août /2009 17:52

EXTENSION DU PORT DE MONACO


source: le Minorange N°60
Juin 1999, le groupement dont font partie Bouygues TP, GTM, Vinci Impremar, Saipem et Serimer remporte le marché de construction et conception (Doris) pour l’extension du port de la Condamine à MONACO. Un gigantesque puzzle en béton composé de quatre blocs pour réaliser le terre-plein servant de support à l’articulation de la digue flottante au sud et quatre autres blocs pour la contre jetée au nord.

La digue flottante construite à Algésiras (Espagne) par un groupement francoespagnol: Dragados, FCC, BEC, SMMT, Triverio, mise en place en dernier, articulée sur une rotule métallique de 150 T côté terre-plein est maintenue par huit lignes demouillage côté large et deux en rappel côté  terre. Un important travail de préparation consiste à extraire par dragage la vase jusqu’à – 50 m de profondeur, d’y déposer plusieurs centaines de milliers de tonnes de roches pour réaliser des « paliers sous-marins » aux cotes : - 10 m, - 20 m, - 30 m afin d’y poser les différents éléments du puzzle.
La disponibilité du site de La Ciotat (libre depuis 1989, année où j’ai eu le triste privilège de piloter en sortie le Monterey », dernier navire construit par la NORMED et otage des syndicats pendant 11 mois !), sa situation entre Marseille et Monaco, font que les huit éléments sont construits dans la forme de radoub pour leur mise en flottaison à la fin de la première levée béton. Les opérations de remorquage sont confiées aux « Abeilles International » représentées par le responsable commercial des opérations mer, M. du Fretay alias « le Marquis » et moi-même, ici « tow-master » alias « Yvon » dont les fonctions consistent, après approbation des procédures et gréements, à commander les manoeuvres de sortie de forme, évitage, chenalage, accostage, amarrage, convoyage mer, c’est-à-dire : choix des options de route, détermination de la puissance développée, nombre de remorqueurs en fonction des conditions de vent, houle et courants. Enfin, mise à disposition sur site à Monaco.

Ces choix découlent aussi des notes de calculs issues des conditions météorologiques requises par les experts des assureurs et sociétés de classifications en fonction des caractéristiques de construction et stabilité des caissons. 
Mouvements portuaires : 1.00 m maxi de houle et 15 noeuds maxi de vent. Convoyages : 1.50 m maxi de houle et 30 noeuds maxi de vent

Compte tenu du temps nécessaire à l’appareillage, du temps minimum de convoyage à la vitesse moyenne de 2 noeuds, du temps de raccourcissement de la remorque, de l’approche à Monaco, des modifications de gréements, de la présentation pour connecter les câbles de positionnement, etc…, il faut trouver un créneau météo optimum d’ au moins 4 jours. Ce que s’acharne à trouver Pierre Lagnier du centre météo de Puget, avec qui je reste en relation téléphonique pendant le convoyage pour échanger les prévisions et analyses surface. Au cours des 19 remorquages, j’ai été amené à effectuer un repli sur rade de Cannes, un autre en baie de Villefranche et enfin une mise à la cap derrière les îles du Levant pendant une douzaine d’heures, la vitesse fond avoisinant zéro noeud…, pas facile de rallier une zone de refuge.

Au total : 8 sorties de forme à La Ciotat

3 remorquages entre La Ciotat et Marseille

5 remorquages entre La Ciotat et Monaco

3 remorquages entre Marseille et Monaco

Ces 8 caissons différent tous les uns des autres par leurs formes, dimensions, tirants d’eau, déplacement et comportement sous remorque. Leurs principales caractéristiques sont :

M 10 L = 41.1 m l = 17.0 m h = 11.0 m D.Lège = 4.620 t

M 20 L = 52.5 m l = 25.0 m h = 21.0 m D.Lège = 12.650 t

C 30 L = 87.0 m l = 41.0 m h = 31.0 m D.Lège = 38.000 t

P 10 L = 62.0 m l = 15.0 m h = 11.0 m D.Lège = 4.500 t

A 40 L = 46.0 m l = 27.0 m h = 31.0 m D.Lège = 17.300 t

CT 145 L = 145.0 m l = 30.0 m h = 15.0 m D.Lège = 29.300 t

C 10 L = 27.0 m l = 15.0 m h = 2.5 m D.Lège = 2.200 t

Batardeau L = 27.0 m l = 15.0 m h = 14.5 m D.Lège = 350 t

(permet la flottabilité de C 10)

E 8 L = 41.0 m l = 13.0 m h = 11.0 m D.Lège = 2.970 t

Le tirant d’eau des constructions en forme de radoub est limité par le niveau du seuil de sortie horizontale à – 8.5 m, les caissons doivent donc flotter sans gîte ni assiette, ce qui impose en fonction de leurs caractéristiques : du ballastage liquide dans les cellules, la pose de gueuses en béton sur le pont ou l’adjonction de batardeau métallique. Les calculs de construction doivent donc être rigoureux car il n'est plus question d’alléger en retirant du béton !!!

La deuxième levée de béton se fait à quai dans la darse de La Ciotat autorisant un tirant d’eau inférieur à 10.40 m, ce qui explique le remorquage vers Marseille des caissons dont le tirant d’eau peut approcher les 17.5 m.

L’ensemble crée une sorte de cathédrale engloutie, dont seulement 3 % de la hauteur dépasse le niveau de la mer (contre 10 % pour un iceberg). Il aura fallu près de 110.000 tonnes de béton pour réaliser les ouvrages fixes.

La diversité des éléments du puzzle est telle que je traite seulement C 30 appelé le caisson de « Culée » recevant la rotule d’articulation de la digue flottante. Le 10 août 2000 : sortie de C 30 ; le bassin de radoub présente côté sud-est une grue sur rails en fond de forme qui limite la largeur libre à moins de 48 m . Pas question de faire passer un remorqueur d’où l’idée de déhaler C 30 en reprenant la technique des « mules » du canal de Panama, mais ici avec deux pelleteuses sur chenilles de 45 et 28 tonnes se déplaçant le long de la forme comme sur un chemin de halage. La connexion se faisant sur une dent du godet, largable à tout moment par un simple mouvement de vérin rassure un peu les chauffeurs des engins, craignant de se voir précipiter dans le bassin par le mastodonte de béton.

Côté bâbord, C 30 est équipé de deux patins de glissement (Skid) en appui sur le mur nord-ouest de la forme, assurant un déhalage parfaitement parallèle jusqu’à la partie nord, puis le caisson est immobilisé, le temps nécessaire à la connexion des remorqueurs.

Tout mouvement requiert du temps et des efforts pour larguer et reprendre à la main les différentes aussières amarrant le caisson à la forme. Pas moins de 11 amarres de 72 mm de diamètre, de longueurs différentes pour un poids total d’environ 3 tonnes. Elles sont brassées manuellement (il n’y a pas de cabestan, ni de touret hydraulique comme sur un navire conventionnel) par l’équipe du lamanage de Fos/Marseille, orchestrée par François Ferrandiz, le « bosco amiral » des Abeilles, dont les compétences professionnelles n’ont d’égal que sa sympathie et sa jovialité.

Pour sa sortie de forme, le caisson est équipé d’un gréement court, une patte d’oie en câble d’acier de diamètre 52 mm directement raccordée au spring du remorqueur et treuil de port afin de pouvoir régler rapidement la longueur filée. Toutefois, les capacités manoeuvrières des remorqueurs sont complètement dégradées par l’effet « muraille » du caisson. En effet, l’important tirant d’eau des blocs (jusqu’à 17.5 m de paroi immergée à Marseille pour 4.80 m au remorqueur) crée un renvoi latéral et arrière des filets d’eau vers le système propulseur, diminuant considérablement la traction du remorqueur. Il appartient donc au capitaine de régler judicieusement la longueur filée en tenant aussi compte de l’espace dont il dispose pour faire évoluer son bateau.

La variation de tirant d’eau de C 30 passe de 6.50 m en sortie de forme à la première levée béton, 9.50 m en remorquage de La Ciotat à Marseille à la deuxième levée, 17.30 m de Marseille à Monaco à la troisième levée pour finir à 30.0 m en  position finale. Ces évolutions de caractéristiques amènent à définir quatre types de gréements différents pour :  

la sortie de forme ;   

le remorquage vers Marseille ;

le remorquage portuaire .

Tous ces gréements sont principalement l’oeuvre de Francis Viscuso d’Equipement Service. Je ne prends à titre d’exemple que celui concernant le convoyage de Marseille à Monaco, sachant que les gréements portuaires et de secours sont aussi maillés et à poste.

Du 11 au 12 décembre 2000, C 30 est remorqué à Marseille au poste 122 (la digue du large) pour la troisième levée béton, et l’implantation de la partie « mâle» de la rotule, soit une pièce d’acier de 150 tonnes venant par la suite s’implanter dans la partie « femelle » constituant un ensemble de 770 tonnes pour 8 mètres de diamètre, capable de reprendre des efforts horizontaux et verticaux jusqu’à 10.000 tonnes.

Le 30 juin 2001, à 7 h 30, les 6 remorqueurs arrivent successivement pour

l’appareillage vers Monaco de C 30. La mer est haute, 15 cm de marnage, c’est toujours bon à prendre !!! L’Abeille Provence est connectée central avant, le Marseillais 17 central arrière, le Marseillais 5 bâbord avant, le Marseillais 4 tribord avant, le Provençal 4 tribord arrière et l’Abeille Champagne en pousseur milieu tribord.

Le caisson est maintenu accosté par l’Abeille Champagne, le temps nécessaire au largage des 17 amarres en polypropylène de diamètre 88 mm, des 2 câbles d’acier de 2 pouces et des chaînes de 54 mm, soit environ une heure et demie. La capacité totale cumulée de traction des 6 remorqueurs atteint 240 tonnes, soit une fois et demi la traction maximale de l’Abeille Flandre à Brest, ce qui peut donner une idée du gigantisme de ce bloc de béton.

Une des phases délicates de ce mouvement consiste après l’appareillage du poste 122 à venir placer le caisson dans l’axe de la passe du cap Janet. En effet, avec 17.30 m de tirant d’eau, nous savons que nous allons devoir passer une cote à – 17.40 m avec un écart de route autorisé sur l’axe est-ouest de quelques mètres (peu appréciables à l’oeil nu !).

Le système de positionnement DGPS prévu pour la mise en place à Monaco est donc activé pour le franchissement de la passe. La manoeuvre de sortie s’apparente davantage à un pilotage sur simulateur qu’à un classique appareillage « barbe au vent », à la vitesse moyenne de 0.2 noeuds. Le chenalage entre Janet et la passe Nord s’effectue à 1.1 noeuds puis vers 12 h 45 la configuration de remorquage mer établie, les Abeilles Provence et Champagne devant, Marseillais 17 en stand-by, le convoyage vers Monaco peut commencer. Le vent est sur force 3 à 4 et la mer peu agitée.

Entre Marseille et le sud de La Ciotat, le vent s’oriente à l’W puis WSW 3 à 4, la mer devenant agitée. Le convoi se comporte bien, la vitesse moyenne étant de 2.1 noeuds. Le 1 juillet à 08h30 le Marseillais 17 fait route vers Toulon pour débarquer un blessé avant de nous rejoindre en début d’après-midi. Au sud de l’île du Levant, la nuit tombée, Yves C. marin pompier et ami d’enfance, se doutant de ma présence à bord de ce convoi insolite, m’appelle sur mon portable et nous salue en actionnant tous les gyrophares des véhicules anti-incendie présents sur la colline. Dès le passage du phare du Titan, le courant Ligure se fait sentir et la vitesse décroît doucement jusqu’à 0.75 noeuds de moyenne sur une mer belle et vent de NE force 3.

Le 2 juillet à 09 h 00, François nous fait un numéro d’équilibriste sur une platine de remorquage afin de connecter le Marseillais 17 sur tribord avant. Le résultat est positif car la vitesse qui était tombée jusqu’à 0.4 noeuds (vitesse fond) ne cesse d’augmenter pour atteindre 1.25 noeuds !!!

Nous effectuons des visites de sécurité sur le caisson en présence de Stéphane (ingénieur TP), contrôle des cellules, essais des groupes électrogènes, compresseurs, treuils, feux de route à gaz, éclairage général, remise en ordre du gréement de secours mis à mal par les tourbillons en arrière du caisson, même à 1.5 noeuds. Au cours d’une de ces navettes (5 personnes à bord), un des boudins du pneumatique crève, nous avons juste le temps de regagner l’échelle de pilote, escalader les 14 mètres de muraille et attendre le secours du pneumatique du Marseillais 17. Le 3 juillet au matin, passant le cap d’Antibes, notre vitesse moyenne établie à 1.25 noeuds, nous envisageons notre arrivée à Monaco pour le lendemain 6 h 00. Le vent et la mer étant calmes, le Marseillais 17 est déconnecté reprenant son rôle de sécurité et de navette entre les remorqueurs en traction et le caisson. Le 4 juillet vers 6 H 00, vent ESE force 2, mer belle, François et moi embarquons sur C 30 afin de préparer les mouvements de remorques et prendre en main les opérations de pilotage jusqu’à la position finale du caisson.

Vers 06 h 30, le Marseillais 17 est maillé avec sa remorque de port sur l’avant bâbord, puis l’Abeille Provence largue sa remorque mer pour aller se mailler en configuration portuaire au central arrière, enfin l’Abeille Champagne modifie son gréement tout en restant connectée central avant. L’opération consiste maintenant à approcher doucement en marche arrière d’une zone de connexions des 6 lignes de papillonnage préétablies par l’équipe de Jean-Pierre (Bouygues off-shore). Cette zone est constellée de bouées de mouillages ; d’engins de TP, de câbles, bouées immergées, marques latérales, cardinales, etc…. bref, évoluer au milieu de ces obstructions pimente un peu la manoeuvre, d’autant que, pendant l’approche, un hélicoptère venu faire de l’image rasante, a fait s’envoler en mer tous mes documents et notes.

photo "le Minorange"
Trois lignes sont reliées à terre sur des enrochements et trois autres à des ancres mouillées côté large, les autres extrémités enroulées sur des tambours de treuils fixés au caisson. La manoeuvre simultanée des treuils d’off-shore et des remorqueurs s’effectue en parfaire harmonie, le caisson devant au final trouver sa position au centimètre près. C 30, quasiment à sa position surface, les trois remorqueurs sont déconnectés et restent en attente sur zone, le temps de commencer les opérations de ballastages amenant doucement le caisson à se poser au fond avec 30 m de tirant d’eau. Il est 16 h 00, les remorqueurs terminent de ranger et saisir leur matériel avant de reprendre la route vers Marseille. Nous avons mis 87 heures pour effectuer les 127 miles, soit une vitesse moyenne de 1.46 noeuds.

Le 26 août vers midi, arrivée de la digue flottante en remorque du « Smitwijs London » (construit en 1975) 165 t de traction.Elle aura mis 12 jours pour effectuer les 800 miles d’Algésiras à Monaco. La forme de radoub élaborée sur un site prévu à l’origine pour la construction de navires à grande capacité dans les années 1970 a été réaménagée pour l’occasion aux caractéristiques suivantes : longueur 380 m, largeur 75 m, hauteur d’eau 15 m, en y déblayant quelques 400.000 m3 de terre et matériaux.

La digue est une structure à double coque en béton précontraint, recevant sur la première moitié 4 niveaux de parking sous-marins (400 véhicules), un port à sec de 25.000 m3 de stockage sur 2 niveaux sur l’autre moitié. En surface, 2 gares maritimes, des restaurants, commerces et locaux administratifs. 165.000 tonnes de béton pour 352 m de longueur, 16 m de tirant d’eau, 3 m de francbord, 28 m de largeur en surface et 44 m au niveau des becquets inférieurs. En effet, son profil est étudié pour amortir la houle du large grâce à un « mur d’eau fixe » sous la digue, qui fait l’objet d’un brevet déposé.

Le développement de la croisière de luxe, le doublement de la capacité d’accueil avec la possibilité d’accoster simultanément trois paquebots de croisière, dont un côté large par beau temps, et l’augmentation de surface gagnée sur la mer (environ 20 hectares de plan d’eau et un hectare de terrain) ont un prix actuellement estimé de 334 millions d’euros… heureusement, la garantie de l’ouvrage est centenaire.

Yvon MOUNES

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25 août 2009 2 25 /08 /août /2009 15:44

Le renflouement du Frans Hals

 

Mardi 19 novembre 1996: le remorqueur russe Agat, de l'armement Samia Kompania de Mourmansk, se présente au large de Bilbao (Espagne). Il a en remorque le chalutier-usine Frans Hals de l'armement Witte, battant le même pavillon, devant le livrer au chantier de démolition Ardoex. Le dialogue entre les officiers de l'Agat et les autorités portuaires s'avère difficile, aucune des parties ne comprenant la langue de l'autre, et l'une au moins ne parlant pas très bien l'anglais, le convoi n'obtient pas l'autorisation d'entrer et doit repartir cap au large. Un bulletin météo spécial (BMS n°57) est en cours, annonçant un avis de coup de vent de Sud-Ouest à Ouest-Sud-Ouest force 8 à 9 Beaufort, avec rafales pouvant atteindre 70 nœuds sur mer grosse à très grosse et des creux pouvant dépasser 8 mètres.

Vers 23 heures, la remorque de mer casse à environ soixante-cinq mètres de l'étrave du remorqué. Le chalutier, qui ne possède pas de gréement de secours pré-établi, ni de liaison radio VHF avec le remorqueur, se trouve rapidement dans une situation dramatique. Compte tenu de l'état de la mer, le navire, long de 105 mètres et déplaçant plus de 4000 tonnes, dérive inexorablement vers la côte, travers au vent et à la houle, avec à son bord quatre membres d'équipage. La tempête hale à l'ouest avec des vents de 55 à 65 nœuds, une mer très grosse et des creux de 7 mètres. La ligne de mouillage bâbord est larguée pour freiner la dérive, mais son effet est insuffisant.

Ce n'est qu'une dizaine d'heures plus tard que le remorqueur avertira les autorités françaises de la situation ! Il est déjà trop tard pour intervenir et, le mercredi 20 novembre, les Biarrots doivent se borner à suivre du regard l'approche majestueuse de l'imposante coque, déjà ballottée en travers des rouleaux. Face à la ville, le navire s'approche de plus en plus près, passe sur la Roche Plate, vient saluer de son étrave la Roche Ronde, manque presque d'accoster l'hôtel du Palais, pour finalement s'échouer vers 14h30 à environ 45 mètres de la promenade, cap au 045°. En raison d'une surcote de marée exceptionnelle de 85 centimètres due à la tempête, le navire est monté très haut sur la plage.

Craignant sans doute d'être saisi, le remorqueur russe s'est empressé de filer à l'anglaise, abandonnant à bord du Frans Hals le capitaine Valentin Wladimirovitch, le chef mécanicien Serge Nicolaiécich et deux matelots, qui seront tous récupérés sains et saufs.

Un visiteur indésirable

Afin d'évaluer la situation sur place, la direction des « Abeilles International » me détache immédiatement en qualité de « Salvage Master ». Les autorités civiles locales, en particulier M. Borotra, sénateur-maire de Biarritz, et M. Fauveau, commissaire principal, me facilitent sérieusement la tâche pour accéder à bord du navire en fin d'échouage. Je suis en effet hélitreuillé par la gendarmerie maritime, en même temps qu'un inspecteur des Affaires Maritimes, un gendarme maritime et le chef mécanicien russe. Nous récupérons ainsi un maximum de plans, et documents relatifs à la construction, la stabilité, et le compartimentage du navire qui nous seront très utiles pour la suite. Le plus urgent étant d'éviter toute pollution, la visite porte principalement sur l'état et l'accès aux différents ballasts et réservoirs à combustible, le capitaine russe déclarant la présence d'une vingtaine de mètres cubes de fuel en soute.

Le bâtiment gîte alors d'environ 11° sur bâbord. A chaque nouvelle pleine mer, sous l'effet conjugué des coups de butoir des vagues déferlantes et de l'augmentation du marnage, les coefficients de marée passant de 62 le 20 novembre, à 92 le 25, le navire continue sur une cinquantaine de mètres sa lente progression vers le Nord-Est. L'analyse de la situation hydrographique fait apparaître qu'il a dépassé de plus de 150 mètres la ligne de sondes « 0 ». La ligne des 10 mètres se situe à 0,5 mille et celle des 20 mètres à 1,2 mille. Compte tenu du tirant d'eau important des remorqueurs ( 7,4 mètres pour l'Abeille Flandre) qui participeront à l'opération et de l'effet de la houle à basse mer le jour prévu pour le déséchouement, les longueurs de remorques, pantoires comprises, devront donc excéder les 750 mètres.

Pour tirer le chalutier de sa position délicate, on doit lui définir une route de sortie. L'étude de l'enrochement laisse espérer l'existence d'une passe praticable, orientée au 310°, parant à la fois la Roche Ronde et la Roche Plate. Mais pour cela, il faut impérativement faire éviter le navire sur place au tout début de la manœuvre, lui interdisant tout déplacement vers l'avant. La présence de ces roches espacées de moins de 300 mètres limite à 10° l'angle d'ouverture des remorqueurs, ce qui requiert l'assistance d'un petit nombre de remorqueurs, mais de forte puissance, qui devront suivre des caps d'un écart inférieur à 5°.

En première approximation, une force totale d'environ 350 tonnes sera nécessaire les tensions pouvant se répartir ainsi: en début de manœuvre, 160 tonnes exercées sur l'avant du bateau échoué par le premier remorqueur et, simultanément, 100 tonnes et 80 tonnes sur l'arrière par les deux autres remorqueurs. A un moment précis de la manœuvre le plus puissant des deux reportera sa force de traction sur l'avant du navire russe, le passage du premier point de tir au second, soigneusement préparé, se faisant en libérant par découpe au chalumeau d'un maillon retenant les 120 mètres de pantoire, préalablement connectée à l'avant du remorqué.

Une préparation minutieuse.

Les autorités maritimes et préfectorales étudient le projet de pompage des hydrocarbures, en tenant compte des avaries subies par les doubles fonds de la coque lors du passage sur les enrochements. La société « Les Abeilles International » est réquisitionnée pour mener à bien cette première phase des opérations. Ouverts au fur et à mesure du pompage, les ballasts et les capacités machine laissent apparaître plus de combustible que ce qui avait été déclaré; le volume total pompé, d'environ 70 mètres-cubes, est évacué par camions-citernes. L'examen interne des divers ballasts se poursuit afin d'estimer au mieux les travaux à entreprendre avant le déséchouement. En fonction du calendrier des marées, celui-ci peut être tenté une première fois entre le 11 et le 13 décembre, avec en cas d'échec, un report d'environ quatre semaines! Le Windsor Hôtel met gracieusement à notre disposition une salle de restaurant (libre en cette période de l'année) afin d'y établir notre PC opérations à proximité du navire.

Toutes les données intéressantes des documents du navire, récupérées à bord sont transférées sur ordinateur et analysées par un architecte naval, M. Foster. Quant à l'état du navire, une dizaine de ballasts sont percés ou déchirés. La partie arrière, la plus touchée, a subi un écrasement des fonds allant jusqu'à 60 centimètres, avec perforation du plafond de ballast machine. Le tunnel arrière, où passe la ligne d'arbre, est déchiré sur une longueur de 4,5 mètres. L'ordinateur autorise toutes les simulations, en définissant les limites de stabilité, de chavirage ou simplement les impossibilités. Compte tenu des délais très courts avant les prochaines grandes marées et de l'important travail de préparation restant à exécuter, nous décidons d'anticiper sur l'obtention éventuelle du marché, prévue environ une semaine avant le premier créneau favorable. (une opération de cette envergure est soumise à un appel d'offre international, chaque société gérant sa propre étude de faisabilité, moyens mis en œuvre etc... et remet aux autorités, une cotation. Ce n'est pas forcément le moins disant qui emporte le marché). Les coefficients de marée décroissant jusqu'au 4 décembre, les mesures d'immobilisation du navire dans sa position actuelle doivent être prises rapidement, car en aucun cas le Frans Hals ne doit continuer sa progression: Deux ancres de 2,5 tonnes sont enfouies à l'aide d'un bulldozer à 300 mètres sur l'arrière, et reliées à la coque par un câble d'acier de 38 millimètres de diamètre.

Cinq cents kilos de ciment prompt sont utilisés pour colmater une partie des brèches, du côté du tunnel. L'accès aux trous d'homme des ballasts arrière s'effectue par ce même tunnel, envahi par l'eau de mer à chaque marée, ce qui limite les temps d'intervention à quelques heures par jour. Deux lignes de mouillage supplémentaires sont établies par le travers tribord arrière, en vue d'un guidage futur à l'aide de treuils à air de forte puissance, embarqués pour la circonstance. Pour confectionner les différents gréements de remorquage, nous recevons fin novembre plus de 10 tonnes de chaîne de 52 mm de diamètre, soit environ 240 mètres. La chaîne vient du Havre, les treuils de Hollande, et nous sommes en pleine grève des routiers, ce qui oblige les chauffeurs à jongler avec les  "itinéraires bis" !

Le gréement de remorquage d'origine est raccourci, car le frottement des chaînes au passage des chaumards a créé une usure de plus de 40% du diamètre des mailles; cet attelage servira néanmoins au remorqueur de renfort à l'avant. Un deuxième gréement en patte-d'oie est confectionné. Il est passé par les écubiers afin de descendre le centre de traction d'environ 3 mètres par rapport au niveau des chaumards, cela dans le but de diminuer le couple de chavirage. (en effet, je n'exclu pas le risque de voir l'épave chavirer sur son bâbord sous la traction cumulée des 350 tonnes appliquées sur le travers, d'où l'intérêt aussi de découper et retirer tous les poids inutiles dans les hauts..). Le navire étant privé d'énergie, les apparaux de levage sont inertes; la mise à bord et le gréement des maillons de chaîne prennent beaucoup de temps. Nous sommes amenés à installer des va-et-vient depuis la plage, dont la traction est assurée par un bulldozer de l'entreprise Abournague, qui sert habituellement à repousser le sable du haut de la plage vers le bas, chantier garanti durer à vie, la mer repoussant inlassablement le sable dans l'autre sens …

Le mardi 3 décembre, les « Abeilles International » présentent un plan de sauvetage aux autorités maritimes et civiles (plan soumis aux ingénieurs d'état, utilisant des logiciels de calcul très proches des nôtres et à qui il faudra bien expliquer la variation de certains coefficients de frottement qui verront l'implication de la granulométrie du sable Biarrot!!!) principalement représentées par l'amiral Le Dantec et le préfet de région M. Bouillaguet. L'amiral ne souhaite pas détacher de Brest l'Abeille Flandre, pour des raisons de sécurité sur la zone d'entrée en Manche, mais après insistance auprès des politiques, sur le fait que nous risquons de courir à l'échec sans la participation de l'Abeille Flandre, (besoin minimum des 350 tonnes de traction) ce problème sera réglé et un remorqueur de substitution mis en place. Deux hélicoptères « Super-Frelon » de la Marine, venus de la base de Lanvéoc Poulmic, prendront également part à la mission.

Pendant ce temps, les autorités envisagent toutes les possibilités pour se débarrasser du navire indésirable. Le découpage sur place compromettrait la saison touristique d'une des plus belles plages d'Europe, sans compter la gêne provoquée par l'acheminement du matériel et l'évacuation des quatre mille tonnes de ferraille par les rues du centre ville, pendant au moins dix mois de travail !

Le chavirage du navire au moment du déséchouage compliquerait sérieusement sa démolition, et la perspective d'un nouvel échouement en cours d'opération sur la Roche Plate ou non loin du rivage n'est guère plus engageante. Autant de scénarios incitant les autorités à nous faire évaluer le pourcentage de risques. M. Borotra aura toutefois noté que la sagesse d'un marin ne peut quantifier raisonnablement le risque, sans quoi le sauvetage n'aurait guère de raison d'être! Mais le lendemain, la décision est prise à Matignon : ordre de réquisition.

Une conférence de presse est organisée à la mairie de Biarritz, Le directeur d'exploitation  vient en toute hâte me débaucher du chantier car il va falloir présenter, expliquer et commenter à la presse le plan de déséchouage, ainsi que répondre aux diverses questions... Cela dépasserait-il ses compétences techniques ? C'est peut-être dû à l'obtention virtuelle d'un brevet de Capitaine de Première classe de la Navigation Maritime « C1NM ». Il n'est malheureusement pas le seul à avoir validé les temps importants de navigation machine, sur une passerelle ou employé dans un bureau du service armement. Il ne suffit pas d'établir une remorque pour réussir pleinement une opération de sauvetage, cela passe aussi par un devoir de compétences techniques en mécanique, électricité, électronique, hydraulique, plongée, conduite de tous types d'apparaux, de navires : pétrolier, porte-container, cargos, navires de pêche etc.. Les Hollandais ont compris cela depuis très longtemps, c'est pourquoi SMIT par exemple exécute aussi souvent la partie technique dans l'hexagone!!!.
A bord du Frans Hals, les préparatifs vont bon train. Depuis l'arrière jusqu'au milieu, tous les dégagements d'air des ballasts sont démontés, et les cotes relevées pour confectionner des tapes d'obturation et orifice de gonflage contrôlé. Après la découpe de tous les tuyaux des circuits hydrauliques, d'incendie et autres remontant du tunnel, l'échappée de celui-ci est condamnée et étanchée en y soudant une tôle de 10 mm d'épaisseur.

Le navire usine est équipé d'un ballast-quille, étroit et tout en longueur, allant du milieu du compartiment machine jusqu'à la cloison du peak avant. Deux des trous d'homme donnant dans les cales 1 et 2 ne peuvent être obturés, les goujons ou les taraudages étant hors d'état. Il faut donc confectionner des étriers pour étancher ces accès au cas ou nous talonnerions par le milieu, car une voie d'eau au niveau du ballast-quille provoquerait l'envahissement des trois principaux compartiments et ainsi coulerait irrémédiablement le navire.

A l'arrière, trois des quatre wing-tanks, réservoirs à eau potable et à fuel sont crevés. Ces ballasts communiquent de bâbord à tribord sous le tunnel de ligne d'arbre et remontent jusqu'au pont principal. Pour des raisons de stabilité, il faut éviter tout transfert de liquide d'un bord à l'autre. Boucher les orifices de communication entre les ballasts est une des tâches auxquelles se sont attelés Jean Louis B. et Thierry C. A chaque marée descendante, après avoir abaissé par pompage le niveau d'eau polluée, ils se glisseront sous le tunnel à plat ventre, afin d'atteindre la cloison centrale : l'écrasement des fonds ne laisse par endroit qu'un espace de 40 centimètres de hauteur. Puis, après avoir retiré le sable entré par les brèches, ils obstrueront à l'aide de grosses pinoches spécialement confectionnées les quelques cinquante trous de communication entre les ballasts.

Une partie du matériel lourd arrive du Havre : une pompe d'assèchement Framo disposant d'une capacité d'aspiration de 500 m3/h ainsi que trois autres pompes de forte puissance que nous pré-disposons dans les compartiments les plus importants. Responsable de l'énergie, Francis B. réutilise le réseau du bord du chalutier pour faire débiter un des groupes électrogènes, afin de pouvoir circuler dans le navire, toutes coursives éclairées; Encore encombré d'un tas de déchets huileux et d'objets de toute nature, le pont est rendu encore plus dangereux du fait de sa gîte, ce qui entraîne la chute de Jean Claude D. qui se fracture le péroné gauche. Pas de chance!

La Direction Départementale de l'Equipement envoie une équipe pour déblayer tout ce qui traîne sur les ponts et qui pourrait représenter un danger lors du déséchouage. Même les feux de navigation du navire sont démontés !!! ( c'est très joli dans une chaumière!!) pourquoi pas??. Afin de débarrasser le bâtiment de tous les poids morts conséquents, la société EMCC assemble sur le haut de la plage une grue sur chenilles d'une hauteur de travail supérieure à 45 mètres, pour le démantèlement des portiques, de la mâture et le débarquement des pièces lourdes comme l'hélice, le safran etc. Nous en profitons pour embarquer plus de 50 tonnes de matériel.

L'étude du déséchouement amène à définir une situation de ballastage théorique, à partir des éléments de tirant d'eau et d'assiette désirés. Nous nous efforcerons de respecter au mieux ces critères, sachant qu'une dizaine de ballasts à l'arrière seront conservés sous pression d'air entre 300 et 500 g/cm2 à l'aide de trois compresseurs à fort débit, inter-commutables sur deux circuits distincts par souci de sécurité. Le contrôle du gonflage doit être très rigoureux, un dépassement de quelques centaines de grammes peut entraîner l'explosion d'un ballast. La gîte permanente du navire pose toutefois un problème de déclenchement par sécurité des compresseurs, résolu en gavant les carters d'huile!! Sur le pont, on soude tout ce qui peut l'être, et le reste est saisi par chaînes et ridoirs, car il est possible que le navire, une fois à flot, prenne plusieurs dizaines de degrés de gîte, si nous passons sur le bord de la Roche Plate, par exemple.

Après un report pour cause de mauvaise visibilité due à la brume, un Super-frelon effectue la connexion entre la plage et l'Abeille Picardie en attente au large. Faire ainsi passer un câble d'acier de 12mm de section et de 1000 mètres de longueur est une opération délicate, car l'appareil doit se déplacer « en crabe » sur une trajectoire parfaitement rectiligne entre son point de départ et celui d'arrivée, afin d'éviter toute croche sur les nombreux enrochements sous-marins. Une fois la ligne en place, on établit un va-et-vient en augmentant graduellement le diamètre des câbles, jusqu'au passage de la remorque de mer qui sera connectée sur une pantoire.

Du monde pour le spectacle.

Le jeudi 12 décembre, les coefficients de marée sont à leur maximum, soit 100 pour une hauteur à la pleine mer de 4,30 mètres, toutefois une plus grande hauteur d'eau est prévue le lendemain à 06h06, soit 4,45 mètres au- dessus du zéro des cartes. C'est donc cette référence qui sera prise pour le jour J à l'heure H: vendredi 13 décembre à 06h00. Le choix de cette heure matinale et nocturne ne va pas sans poser de sérieux problèmes aux autorités qui doivent respecter le rayon de sécurité de 200 mètres que je leur ai défini, au cas où la rupture d'une pièce mécanique, d'un câble, transformerait la moindre manille en projectile mortel (malheureusement, nous déplorons plusieurs cas de décès dans la marine marchande où, suite à la rupture d'un axe de réas, d'un câble, ou même une simple modification de structure comme le montage de goupille non conforme dans une manille!! ). La distance séparant le Frans Hals des premières façades d'habitations étant inférieure à 50 mètres, toutes les chambres d'hôtel et villas regardant la mer sont évacuées, et les résidents relogés. Quant aux curieux qui souhaitent assister à l'opération, ils devront le faire depuis le front de mer, sous le contrôle d'un imposant service d'ordre spécialement mobilisé.

La présence de « riddens », grossièrement orientés Sud-Ouest / Nord-Est, présentant des stries acérées, augmente la difficulté de passage de la remorque de l'Abeille Flandre au chalutier. Ainsi, un câble d'acier de 26 mm de diamètre accroche cet écueil et se rompt. Réquisitionnée pour l'opération, la pilotine du port de Bayonne facilite l'établissement d'un va-et-vient en polypropylène, son faible tirant d'eau et ses 600 chevaux permettent de tirer plus de 1400 mètres d'aussière sans trop dériver. L'Abeille Supporter prend le relais en virant le filin dont le retour passe par une grosse poulie frappée sur une ancre de 2,5 tonnes profondément enfouie dans le sable et surmontée d'un bulldozer afin d'éviter qu'elle ne chasse sous l'effet des 50 tonnes de traction exercées par le remorqueur d'assistance. Malgré les frottements sur le fond, la remorque d'acier de 70 mm de diamètre, pesant 20 kg le mètre, soulagée par trois ballons de deux tonnes de flottabilité chacun, dévirée par l'Abeille Flandre, progresse centimètre par centimètre, lentement mais sûrement!

Appareillage dans la nuit.

Dernier jusant avant l'heure H: les trois remorqueurs sont parés. A mi-marée, les opérations de dégagement du sable peuvent commencer. Afin de permettre le pivotement sur place du chalutier, deux bulldozers et trois pelleteuses creusent une souille de 2 à 3 mètres de profondeur depuis l'arrière tribord jusqu'au tiers avant. Sur l'avant bâbord, le sable est retiré et repoussé sur les enrochements proches, de façon à créer une aire de glissement afin de minimiser les éventuels risques de déchirure du bouchain lors de la giration.

Vendredi 13, il est 4 heures, la mer est belle, le vent faible de secteur Est, la visibilité bonne. Malheureusement la houle qui pourrait participer au soulagement de la coque est absente, aussi il ne faudra compter que sur la puissance des remorqueurs. Les travaux de déblaiement sont terminés, environ 2500 mètres-cubes de sable ont été déplacés. Un bull reconstitue rapidement une digue transversale d'accès à l'échelle de pilote, à laquelle nous accédons entassés dans le godet!!! 04h20. Une batterie de projecteurs installés par la ville, sur l'Hôtel du Palais, éclairent la Roche Plate, la Roche Ronde ainsi que l'énorme masse du Frans Hals. Nous escaladons les 14 mètres de la muraille de ce drôle d'édifice dont il faut débarrasser la plage du Miramar! Les trois remorqueurs sont en stand-by, prêts à tracter. A bord du Frans Hals, le rôle et le poste de chacun des dix membres de l'équipage sont bien définis : sur le gaillard, Pascal P. officier de manœuvre avant, assisté de Patrick Le D. et Patrice T.; au niveau de la rampe, Thierry C. officier de manœuvre arrière, assisté de Alain C. Yves C. et Yann B.; contrôle de l'énergie électrique et ballastage: Francis B.; Jean Louis B. enfin, à la passerelle supérieure, votre serviteur et commandant de manœuvre Yvon Mounès.

04h45. Dix-huit ballasts sont gonflés à l'air comprimé, quatre centraux conservés pleins d'eau de mer, mais éventuellement déballastables. La simulation du navire à flot  nous amène, au grand étonnement des pompiers, à remplir le peak avant d'eau de ville à l'aide de manches à incendie, soit 140 tonnes à rajouter sur un bateau que l'on veut déséchouer! Simple calcul d'assiette.

05h00. Les trois « Abeilles » : Flandre à l'avant, Supporter et Picardie à l'arrière, montent progressivement en puissance. Les tractions sont régulièrement annoncées sur le canal VHF 06 et suivies en direct au PC dominant la baie, où sont réunies les autorités et la presse.

05h30. La Flandre est au maximum de sa puissance, avec 160 tonnes de traction sous le commandement de Nicolas S. Le Frans Hals subit une vive secousse, le bras tribord de la patte d'oie en chaîne, vient de cisailler une partie de l'étrave à 1,5 mètres au-dessus du renfort brise-glace, laissant échapper quelques tonnes d'eau douce. Le directeur d'exploitation, observateur sur la plage donne par VHF l'ordre à l'Abeille Flandre de stopper sa traction.  Heureusement que tous les capitaines connaissent son niveau de compétence!, aussi je lui interdis l'usage du Canal 06, tous les ordres de manœuvre devant être les miens : nous avons frôlé l'échec !

A l'arrière, la Supporter est à 110 tonnes et la Picardie à 80 tonnes. L'arrière du Frans Hals se met à vibrer, indiquant que la coque commence à se dégager des roches qui la poinçonnent. Je fais mollir la Supporter, pour transférer sa traction sur l'avant après découpe au chalumeau d'une chaîne de liaison vers une pantoire pré-établie en guirlande sur bâbord et reliée au gréement de remorquage d'origine. (cette découpe sous tension résiduelle n'est pas sans risque, à la rupture, le métal en fusion est monté à plusieurs dizaines de mètres).

La coque ainsi libérée de la roche sur l'arrière et subissant 110 tonnes de traction supplémentaires à l'avant, accentue sa gîte jusqu'à 13 à 14°, mais commence à glisser. Les treuils à air de 20 tonnes de traction chacun contrôlent l'évolution de l'arrière. La ligne de mouillage tribord arrière est découpée sous tension, laissant le navire partir rapidement en giration, d'autant plus vite que l'avant bâbord est encore relié à un mouillage de 300 mètres sur l'arrière, dans le but impératif de parer la Roche Ronde. Dès le retour à l'élément liquide, la coque se redresse mais conserve une gîte d'environ 8° sur bâbord, due aux volumes importants de sable restés dans les ballasts endommagés. Lorsque le Frans Hals atteint le cap 310°, la retenue bâbord est découpée, là encore le métal en fusion est projeté à plus de 40 mètres de hauteur. Pour ces opérations à risques, nous avons pré-disposé une antenne du SAMU en alerte durant toute la manœuvre.

L'accélération prise par le vieux navire est impressionnante. Les tractions sont rapidement diminuées, la Roche Ronde est parée d'une dizaine de mètres. Quand la Roche Plate est par le travers, les trois remorqueurs donnent de la corne de brume, pour saluer les Biarrots et marquer l'appareillage dans la nuit du Frans Hals, au terme de sa dernière escale. Remplacée par l'Abeille Picardie, l'Abeille Flandre est libérée pour faire route sur Brest, reprendre sa fonction de garde dans la zone de Ouessant. L'Abeille Supporter ainsi que les deux « Super-Frelon » assurent toute la journée le transfert du matériel de sauvetage du Frans Hals sur le pont de la Supporter.

Ayant cessé de tenir les ballasts gonflés, le navire s'enfonce doucement par l'arrière, la gîte s'accentue également, il sera donc océanisé dans la fosse de Cap Breton. J'avais fait prédisposer les ouvertures du ballast-quille et en ouvrant la porte étanche de liaison entre le compartiment machine et le tunnel, le navire était prêt à être coulé rapidement. La Marine voyant là l'occasion de jouer avec des explosifs, décide de gérer elle-même le pétardage avec l'assistance du GPD et du navire démineur Céres... résultat... le Frans Hals repose tranquillement sur le côté de la fosse, au matin du samedi 14 décembre. Finalement un excellent abri pour les poissons !!!

 

Yvon MounèsRetour au calme..

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10 août 2009 1 10 /08 /août /2009 13:38

Au cours de l'automne 1992, alors qu'il est amarré à quai à Dakar au retour d'une opération de remorquage menée du côté des iles Canaries, le remorqueur Provençal V reçoit pour nouvelle mission de rejoindre le port de Saigon, en station d'assistance, peut-être à titre définitif. Comme de coutume, et même pour une destination aussi éloignée que le Vietnam, c'est un équipage de conduite (6 marins au total, navire non classé AUT, donc quart permanent au pont comme à la machine.)qui aura la charge du convoyage.

Le 13 octobre, en possession des visas indispensables, et dûment vaccinés, les membres de l'équipage machine rejoignent par avion le grand port Sénégalais. Après les habituelles tracasseries douanières, nous sommes chaleureusement accueillis par Aimé P, directeur local du remorquage, une figure du milieu maritime à la stature imposante, visiblement aussi à l'aise par force 10 à la barre d'un remorqueur que dans le calme plat d'un bureau! Il n'appartient pas à cette catégorie des parfumeurs de tabourets qui prétendent tout savoir du sauvetage maritime. Suite à un examen rapide du navire, il s'avère nécessaire de procéder à quelques travaux: carénage complet, peinture sous-marine, renouvellement des zincs d'anodes, visite des prises d'eau et des vannes de coque, etc...le tout devant s'effectuer en une semaine. Pris en charge par les chantiers de réparations « Dakar Marine », le Provençal V est sorti de l'eau à l'aide d'un synchrolift, énorme ascenseur submersible équipé de lignes de tins reposant sur des traverses métalliques. L'ensemble peut se déplacer grâce à des bogies dont le nombre varie suivant la taille et le poids du navire  soulevé. Etant mal outillé,(ayant besoin d'un tournevis pour démonter un collier de serrage, l'ouvrier part découper à la cisaille un morceau de tôle en guise d'outil!!) le chantier a peu de travail. Cette situation entraîne un défaut d'entretien pénalisant. La boucle est bouclée et tout le monde ici attend des subventions ou un hypothétique repreneur français....

Sueurs froides à Dakar

La remise à l'eau du Provençal V nous donne quelques sueurs froides, lorsqu'une roue de l'élévateur se bloque. Pas de problème, on ne répare pas, on découpe au  chalumeau!Les poutres qui supportent le navire se cintrent un peu plus sous son poids. Sous l'effort du Caterpillar qui pousse l'ensemble, les bogies déraillent; le bateau accuse quelques mouvements inquiétants sur ses tins, des cales en bois se sauvent; un deuxième engin est mis à contribution pour maîtriser les forces parasites de frottement! Je commence à respirer quand le remorqueur baigne doucement dans ses lignes!.

Les jours suivants sont bien remplis. Le second mécanicien Jean-Pierre S. alias « top gun », et l'assistant machine Fabien R. démontent toutes les plaques de parquet pour visiter la cale machine, contrôler l'état des tuyauteries, des auxiliaires et découvrir les différents circuits: eau de mer, eau douce, huile, combustible, air, etc...Au fur et à mesure de l'inspection, nous déterminons ce qui impérativement doit bien fonctionner pour entreprendre le convoyage en toute sécurité: aspiration et assèchement des diverses mailles, remise en état de la pompe incendie, des sécurités machine,etc...Tout l'outillage machine a été stocké sur le plancher de ma cabine (afin d'en éviter son évaporation de l'atelier). Nos amis de l'Union des Remorqueurs de Dakar nous dépannent en mettant à notre disposition leurs infrastructures terrestres et leur chauffeur avec qui j'ai dû parcourir toute la région pour me fournir en matériel de première urgence: des batteries de camion à Rufisque, des filtres à gas-oil « adaptés » chez un récupérateur de ferraille... »C'est l'Aââfrique patron! »me répète Jean-Pierre avec l'accent local fort bien imité. Deux semaines après notre arrivée, notre capitaine Maurice G. nous rejoint et observant son fier navire d'un air dépité, il pensait trouver un sister ship de l'Abeille Flandre!!.prend les mesures qui s'imposent, à savoir: faire repeindre le local douche, changer la literie des six cabines et...la lunette des WC.

Fin octobre, le second capitaine Eric F. et l'assistant pont Denis L. arrivent à point pour achever la préparation du voyage. Compte tenu des futurs projets d'exploitation et de la liste de travaux préconisés pour parfaire l'état du navire, il est décidé de faire une escale technique à Marseille, avant de prendre la route de Suez. Le 4 novembre, les vivres sont embarqués dans trois congélateurs disposés de chaque côté et sur l'arrière de la passerelle, l'avitaillement en eau douce est effectué et un complément de 30 m3 de combustible embarqué; tout est saisi, fin prêt pour l'appareillage. Le lendemain, après les adieux et les remerciements adressés à nos amis sénégalais de l'URD et à leur directeur, c'est l'appareillage, avec une bonne météo. L'île de Gorée disparaît bientôt à l'horizon, le Provençal V file gentillement ses 11 noeuds sur une longue houle du large, les moteurs principaux (2 moteurs Duvant de 1180 Cv chacun) tournent bien, les auxiliaires aussi, divers relevés de pressions et de températures sont effectués à chaque fin de quart pour établir un bilan de santé de l'ensemble propulsif.

Au second jour de mer, une montée anormale du niveau d'huile de la caisse étambot tribord ne me dit rien qui vaille et nous surveillons ce phénomène qui s'amplifie rapidement. L'huile qui sert à lubrifier l'arbre d'hélice dans son tube étambot, tourne en principe en circuit fermé. A présent, elle déborde par la prise de dégagement d'air située à la partie supérieure de la caisse-réservoir, ce qui signifie que l'eau de mer remonte le long de l'arbre du fait d'une avarie sur les garnitures d'étanchéité. La propulsion tribord est débrayée, puis le moteur principal correspondant stoppé en calant l'hélice à 5% en marche arrière afin d'annuler son auto rotation par effet de sillage. En revanche, le niveau d'huile de la caisse correspondant à l'hélice bâbord descend doucement! On étale cette fuite par un appoint régulié toutes les huit heures. Ainsi, notre voyage vers Marseille sur une seule ligne d'arbre s'effectue à une vitesse inférieure à à sept noeuds. Ayant suffisamment de vivres pour une quinzaine de jours, nous continuons sans envisager d'escale.

Coup de vent en Méditerranée
Au large des îles Canaries, Jean-Pierre pêche une magnifique dorade coryphène aux reflets changeants, du bleu intense au jaune fluo, qui sera bientôt appréciée par toutes les fourchettes du bord. Gibraltar reste toujours aussi impressionnant avec son rocher dominant la me, puis la traversée du golfe du Lion, entre le Cap Creux et Marseille,est marquée par un ces coups de vent quasi rituels dans les parages, avec un bon 8 à 9 Beaufort. Le provençal V joue au sous-marin. Bien que naviguant avec un seul moteur, nous sommes contraints de réduire l'allure. Devant l'état de la mer qui grossit, nous mettons à la cape, route au 280 pendant près d'une vingtaine d'heures, en attendant une amélioration pour remettre le cap sur Marseille. Dans la soirée du 20 novembre, nous y entrons par la passe nord pour venir nous amarrer au poste 108, devant l'atelier de réparations des « Abeilles portuaires », avec une bonne nuit de repos en perspective. Le lendemain matin, à couple du provençal 2 , nous pénétrons dans la forme de Radoub n°2; Les travaux et diverses modifications ayant été définis, les ouvriers et techniciens de la Compagnie Marseillaise de Réparations investissent le remorqueur dès sa mise à sec. L'explication de la fuite d'huile à l'étambot est vite trouvée: des fils de pêche en nylon ont franchi les pare-filins qui protègent l'hélice pour venir se coincer au niveau des garnitures Simplex. Les deux lignes d'arbre vont être démontées et vérifiées en atelier, tandis que d'autres travaux seront exécutés sous notre contrôle.

Le treuil de remorque se voit gréé d'un câble d'acier de quatre cents mètres de longueur pour un diamètre de 40mm, avec une pantoire de 32mm et un spring en nylon, court mais très fort cordage placé à une extrémité de la remorque en acier pour faire office d'amortisseur, quelques pantoires de différentes longueurs sont disposées le long des pavois. Toutes les oeuvres mortes sont décapées au laveur haute-pression (400 bars), puis passées à la peinture anti-rouille. La touche finale, aux couleurs définitives, est en grande partie laissée aux bons soins de l'équipage, aidé par un bosco de la « jaune »(l'abeille Supporter) basée à Lorient, et célèbre pour ses moustaches à la Buffalo Bill.

Quelques contretemps dus à des grèves de dockers (problème récurant!) qui bloquent les accès du port, donc des ateliers, perturbent l'avancement des travaux. On installe un gyro-compas avec pilote automatique asservi, doublant le système équivalent associé au compas magnétique, un sondeur vidéo qui s'ajoute à celui à éclats, un deuxième poste VHF, un second système de navigation par satellite GPS en plus du Sat-Nav déjà en place.... et un fauteuil fixe, au beau milieu de la timonerie. Le capitaine et son équipage retrouvent bientôt un bateau flambant neuf. Quelques jours sont encore nécessaires pour peaufiner l'expédition, effectuer tous les essais possibles de machines, groupe moto-pompe incendie et autres auxiliaires, et nous voici parés à appareiller au soir du mercredi 16 décembre.

Après les salutations d'usage, nous quittons Marseille par la passe Sainte- Marguerite, mais l'au revoir est de courte durée. En route vers les bouches de Bonifacio, nous n'avons pas atteint le Frioul que le navire roulier algérien Telegma, arrivant sur rade de Saumaty, signale par VHF qu'un incendie s'est déclaré à bord! Nous suivons les échanges radio entre son bord, le pilotage les autorités portuaires, le remorquage et autres services, tous en alerte. Ayant fait part aux autorités de notre disponibilité et de nos moyens de lutte anti-incendie, nous faisons demi-tour, en route pour la passe Nord, afin d'accompagner le Telegma vers le poste 180, rejoignant deux autres remorqueurs portuaires, les Provençal 3 et Marseillais 15 . L'incendie est maîtrisé par les pompiers et leur logistique terrestre. L'alerte est levée, nous reprenons notre route vers Saïgon, pour de bon pensons-nous!. Au large, les deux potences placées sur chaque bord pour la mise à l'eau du zodiac sont débordées d'environ deux mètres à l'extérieur des pavois, en vue de pêcher le thon à la traîne... Après quelques tâtonnements pour bien gréer les bas de lignes, la technique semble maîtrisée, il ne reste plus qu'à attendre le bon vouloir des poissons à venir mordre.

Noël en Egypte

Cette fois-ci, le passage du détroit de Messine est facile, ce qui n'est pas le cas lorsqu'on doit se faufiler avec un engin en remorque à travers l'intense trafic régnant entre la Sicile et le continent. En route vers Port-Saïd, avec une météo guère optimiste, le bâtiment commence à rouler et à marsouiner sérieusement. Une alarme de température nous amène à stopper le moteur babôrd, une pompe d'injection semblant ne plus débiter. On la remplace, en faisant route sur l'autre moteur au ralenti, dont l'alarme à son tour ne tarde pas à se déclenche, le moteur stoppant de lui même. Nous nous retrouvons à la dérive, travers au vent et à la houle. Le groupe électrogène ralentit, la tension du courant diminue, aussitôt démarré le groupe disponible évite de justesse le « black out » total, situation des plus inconfortables en mer, par mauvais temps. La raison de ces nouveaux ennuis est simple: sous les coups de ballasts répétés dus aux conditions difficiles de mer, un conséquent dépôt d'oxydes métalliques et sédiments agglutinés depuis des années dans une partie basse des tuyauteries de combustible, est venue colmater les filtres primaires à gas-oil de tous les moteurs, provoquant ces arrêts en série. Tout est nettoyé et remis en service, mais nous devons stopper alternativement chaque moteur toutes les heures, pour décrasser les filtres, jusqu'au retour à la normale. A peine arrivés sur rade de Port-Saïd, les deux ancres sont dessaisies pour être parées à mouiller... désormais plus qu'une car au dessaisissage de tribord, l 'émerillon casse, et l'ancre disparaît à tout jamais!!!.Les autorités nous désignent un poste précis en début de canal. Mouillé par l'avant, l'arrière amarré sur un coffre, le Provençal V attend la formation du prochain convoi. C'est le jour de Noël, les Egyptiens, quoique musulmans, sont conscients du fait que c'est pour nous un jour un peu différent des autres, et nous apportent un bouquet de fleurs. Cette touchante attention vient égayer un peu le carré. Denis profite de la stabilité inhabituelle du bateau pour composer son menu de fête dans de meilleures conditions. Placés en queue de convoi, nous appareillons tardivement. Ayant atteint le lac Timsah en fin de journée, en profitant d'un magnifique coucher de soleil, nous passons la nuit au mouillage sur ce vaste plan d'eau situé à peu près à mi-parcours du canal de Suez. La suite de notre descente va s'effectuer au sein d'un autre convoi, avec un nouveau pilote. Quatre pilotes différents auront fait transiter notre petit navire, comme c'est d'ailleurs le cas pour n'importe quel autre bâtiment: deux pour le parcours du canal proprement dit, avec permutation à Ismaïlia (la ville des pilotes, sur la rive du lac Timsah), et deux autres pour les trajets d'entrée et sortie du canal, en  rades de Port-Saïd et de Suez. L'ambiance et le folklore n'ont guère changé à mes yeux, depuis mon premier passage en 1967: toujours autant de cartouches de cigarettes et de bouteilles de whisky distribuées pour transiter « normalement ».... Les traditions demeurent, en Egypte comme ailleurs...

Dans l'océan Indien

Nous subissons encore un coup de vent dans le golfe de Suez, puis en mer Rouge. Le 31 décembre, c'est la fête: au menu, pas de dinde aux marrons mais une boîte de pâté Hénaff! (certains intendants ont une notion particulière de la gestion...) Jean-Pierre est prêt à parier que même à Pouldreuzic, ce jour-là, il y a autre chose au menu que le fameux « pâté du mataf »!;

L'année 1993 débute avec notre arrivée à Djibouti. L'escale est brève, le temps d'avitailler: 25 m3 d'eau douce, 60 m3 de combustible, 400 litres d'huile moteur et quelques vivres. L'eau embarquée dans le peak avant nous fait piquer du nez, nous craignons qu'il soit difficile d'affronter une mer formée sans faire plonger le gaillard dans une houle et sans inonder les coursives extérieures. En effet, une fois au large, le remorqueur n'avance plus guère, et les paquets de mer transitent par les gaines de ventilation pour venir arroser les pupitres de commande du PC machine!. Je me trouve dans l'obligation de vider à la mer une bonne partie de notre réserve d'eau douce afin de retrouver une assiette correcte. En contrepartie, j'impose un rationnement du précieux liquide: lavage rationnel du linge et vaisselle et surtout, une seule douche par jour! N'est-ce pas capitaine?..

La pêche est bonne, les thons sont généralement au rendez-vous au lever du soleil ou à son coucher, nous assurant du poisson frais que nous dégustons préparé à la tahitienne, grillé ou en daube, selon l'humeur de Denis. Sortir un thon de trente kilos au bout d'une ligne demande une complicité entre le pêcheur et le chef de quart passerelle. Il faut sérieusement ralentir le bateau qui file ses 10 à 11 noeuds sans pour autant hérisser les mécaniciens qui n'aiment guère voir leurs moteurs passer en quelques secondes de la position « route libre » à celle de « stop ». Deux jours à peine nous séparent de Colombo, port de pêche de la côte Ouest du Sri-Lanka, mais nous faisons route vers le Sud des îles Maldives pour un éventuel remorquage de cargo en avarie. Mission annulée, escale à Mahé pour complément d'eau douce et vivres et route à nouveau vers le détroit de Malacca, rendu tristement célèbre par ses actes de piraterie qui ont encore récemment coutés la vie à des marins de commerce croisant dans ces eaux. N'étant pas armés, nous espérons seulement que notre petit navire sans cargaison de valeur n'intéresse les pirates locaux.
 L'horizon s'embrase
Jeudi 21 janvier. Le Provencal V file ses 10,5 noeuds sur une mer formée dans un force 6 établi, bonne visibilité, sauf au passage des grains où elle est quasiment nulle. La prudence est de rigueur, d'autant que notre radar est en panne depuis plusieurs jours. 01H15, heure locale (GMT+6), l'horizon s'embrase brusquement, une lueur orangée s'allonge de façon démesurée sur plusieurs miles. Par 06°06' de latitude nord et 094°25' de longitude Est, le pétrolier Japonais Sanko Honor 96 550 tonnes, 243 m de long, 40m de large, vitesse 15,5 noeuds à lège et non encore dégazé, faisant route vers le golfe Persique, vient d'aborder le super-pétrolier Danois Maersk Navigator 253 820 tonnes, 322m de long, 56m de large, vitesse 14 noeuds, construit en 1989, chargé de pétrole brut en provenance du Golfe, avec ses 20 mètres de tirant d'eau. Ce dernier a juste le temps d'envoyer un « may-day » (appel de détresse) avant l'abandon total du navire par son équipage. Au cours de l'abordage, une brèche s'est ouverte sur l'avant bâbord du pétrolier Japonais, par où s'est engouffré le pétrole du navire Danois qui, sous le choc, s'est embrasé instantanément (l'élévation de température au niveau de la collision est due à la déformation mécanique des tôles, qui dépasse rapidement le seuil du point éclair du combustible transporté). Non dégazé, le Sanko honor risque d'exploser à tout moment. Nous en sommes tous conscients, mais le capitaine japonais refuse obstinément de nous  certifier si son navire est « gas free »(dégazé ou non). Néanmoins, il accepte verbalement le contrat d'assistance maritime du type « no cure, no pay », pas de résultat, pas de paiement, transmis et certifié par deux autres navires témoins auditifs (liaison VHF) présents sur zone. L'un d'eux a pu récupérer les vingt six membres d'équipage du Maersk Navigator ayant quittés leur navire à bord d'un chaloupe de sauvetage. Cette dernière, hermétiquement close et équipée de rampes d'arrosage, est restée de longues minutes, à naviguer dans les flammes, avant de pouvoir s'éloigner du sinistre. Afin de lutter plus efficacement contre l'incendie, il faut approcher au plus près de la brèche, malgré un mouvement vertical de plate-forme de plusieurs mètres dû à la houle, cette manoeuvre, toute en finesse, je la prends en main car quelques années auparavant, j'ai été commandant de ce remorqueur en exploitation portuaire dans le golfe de Fos sur mer, où les manoeuvres rapprochées sont coutumières (c'est souvent une expérience qui fait défaut à certain commandants de ces puissants remorqueurs d'assistance).Il faut éviter d'être projeté contre le bulbe d'étrave à la descente, et d'écraser les superstructures (pavois et mature) à la remontée, contre les formes surplombantes du pétrolier. Eric tente de s'adapter à ces mouvements pour inonder l'intérieur de la brèche. Jean-Pierre, Denis et Fabien disposent plusieurs manches d'incendie, et refroidissent la coque en se faisant copieusement arroser.

Dans la nuit, sous la chaleur intense qui rayonne des flammes projetées par ce gigantesque « bec de gaz », le spectacle est dantesque. L'eau qui arrive au contact de la coque se vaporise instantanément, mais le refroidissement produit tout de même un abaissement de la température. Nous avons la certitude que si notre intervention avait échoué, l'équipage du Sanko honor et nous mêmes y aurions laissé la vie (imaginez l'explosion d'une bouteille de gaz de 243 mètres de long !!!).Une fois l'incendie maitrisé, le capitaine japonais reconsidère la situation et partant du principe que n'ayant rien signé, il se sent dégagé de toute reconnaissance d'assistance.... Etonnant...Il remet sa propulsion en route et prend la fuite, sourd à nos appels de régularisation de contrat.(Sa vitesse étant supérieure à la notre, nous sommes contraints d'abandonner la poursuite et faire demi-tour pour aller assister l'autre pétrolier.( l'affaire sera jugée et l'armateur ne voulant pas discréditer son capitaine, accepte néanmoins d'en assumer toutes les indemnités comme si le contrat d'assistance avait été signé... ). Abordé par le travers bâbord, le Maersk Navigator présente une brèche d'environ 30 mètres de large, quatre citernes étant la proie des flammes. L'épaisse colonne de fumée couvre tout l'horizon, visible à plusieurs dizaines de milles, la chaleur dégagée rend l'approche et la lutte très délicates. En attendant l'arrivée des renforts, il faut arroser le plus possible les citernes situées sur l'avant du feu, afin d'éviter ou de retarder sa propagation. Le 22 janvier au matin, arrivent sur zone le remorqueur Sal-Valiant de la compagnie Semco Salvage, se postant au travers tribord, puis le Smit Langkawi de la société Hollandaise Smit, basée à Singapour. Une équipe est hélitreuillée sur le pont du pétrolier afin d'établir un gréement de remorquage pour maintenir le navire face au vent, en le tractant à une vitesse d'environ 1,5 noeud. Cinq autres navires d'assistance, un second remorqueur de Semco Salvage, deux supplies de Smit, et deux supplies de Care-Offshore arrivent dans les heures suivantes, pour la plupart de Singapour. Une logistique de lutte anti-incendie très musclée est mise en place. Equipé d'un système de téléphone et de fax par satellite, le provençal V fait connaître en temps réel l'état et l'évolution de la situation, ce qui dans les premières heures de la catastrophe est d'une importance primordiale afin de définir les meilleurs moyens à mettre en oeuvre. Les supplies présents ont une capacité d'arrosage d'environ 2400 m3 d'eau à l'heure, d' une hauteur de 12m au dessus du niveau de la mer, jusqu'à 120 m de distance. Dès que possible, plusieurs marins embarquent sur le pétrolier pour investigation technique. Je les y rejoins,et sous la chaleur élevée du pont au niveau des citernes en feu, mes semelles de chaussures de sécurité commencent à fondre. Contrairement au bloc timonerie-aménagements, les installations machine sont intactes, toutes les portes étanches d'accès étant resté fermées, cela permet de remettre en service les groupes électrogènes du pétrolier pour alimenter ses propres pompes incendie. Celles-ci, après quelques travaux effectués sur les tuyauteries du pont principal, contribuent sérieusement à combattre le sinistre.

Un peu plus tard, les générateurs de mousse du navire Danois entrent à leur tour en action. L'appareil propulsif, entraîné par un moteur « B&W » (Burmester et Wein) d'une puissance de 14 638 kw soit environ 20 000 chevaux, est lui aussi en parfait état. Les aménagements situés sur l'avant de la machine sont totalement détruits et cet ensemble sera découpé au raz du pont pour être remplacé par son équivalent entièrement pré-construit dans un chantier de Singapour. L'arrosage va durer cinq jours afin de bien refroidir les tôles et permettre la mise en place d'une logistique de « coup de grâce », c'est à dire l'envoi simultané de mousse dans les diverses citernes. Cette opération va se faire au moyen de panneaux verticaux confectionnés spécialement pour canaliser les différents jets, ainsi que dans la brèche d'abordage. Au total, près de cinquante tonnes de produits émulseurs ajoutées aux propres réserves du pétrolier seront nécessaires pour venir définitivement à bout de l'incendie. Le mardi 26 janvier à 14 heures locales, le sinistre est maîtrisé. Le transfert de 90% du pétrole brut ainsi sauvé demandera encore près d'un mois avant que le Maersk Navigator soit remorqué vers un chantier de réparation navale de Singapour afin d'y être remis en état.

Saïgon, enfin !

Le 26 janvier, en fin d'après-midi, nous reprenons notre route vers le Vietnam. Passant sans encombre par le détroit de Malacca, escale de trois jours à Singapour pour compléments d'eau douce, combustible et vivres. Encore trois jours de mer pour atteindre le mouillage du Cap Saint Jacques, un pilote Vietnamien, nous assiste pour remonter la rivière jusqu'à Saïgon, terme de notre voyage. L'accueil , y est très chaleureux et l'équipage croule sous les nombreux bouquets de fleurs remis par deux charmantes hôtesses-secrétaires de la société vietnamienne de remorquage-assistance « Visal ». Nous avons droit aux traditionnels discours de la direction avant d'être invités dans un superbe restaurant traditionnel où la qualité de l'accueil n'a d'égal que la sympathie des hôtes. Civilités protocolaires mises à part, l'espoir réciproque d'une réelle collaboration entre nos deux pays respectifs semble bien réel....

YVON

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6 juillet 2009 1 06 /07 /juillet /2009 07:23

L'île à vache


Arrivée le lundi 20 avril 2009 dans le cadre de la « Transcaraibes » au

mouillage dans l'anse Morgan, après une navigation de 150 milles depuis « Isla Beata » en république dominicaine. Un abri extraordinaire, d'une très grande beauté, noyé dans la verdure, avec 4 à 5 m de profondeur, je comprends de suite pourquoi le célèbre Capitaine Henri Morgan en avait fait sa base de flibustier. Ce pirate, commandant entre autres le navire guerrier 3 mâts « Oxford » don du Roi d' Angleterre Charles II, histoire d'attaquer principalement les Espagnols et autres ennemis des Anglais. Il finit par couler près de la baie de Ferret avec un légendaire trésor, fruit de la piraterie, après qu'une beuverie générale à bord finit par une explosion du navire.

Nous sommes porteurs de plusieurs centaines de kilos de vêtements, fournitures

scolaires et médicaments, dons du rotary club de Saint Martin, pour l'orphelinat de l'ile à vache, dirigé par la soeur Flora, ainsi que la directrice de l'école de Kaykok.
 Ceci dit, un petit rappel d'histoire d'Haïti pour mieux comprendre pourquoi les habitants, pêcheurs et artisans, d'une très grande gentillesse et simplicité, nous accueillent en parlant très correctement le français. Le pavillon national porte d'ailleurs le slogan « l'union fait la force ».

Les amérindiens ou aborigènes d'Haïti furent asservis par les Espagnols, leur  population décimée par l'esclavage et la maladie, dut être renouvelée à partir de 1503 par l'importation d'esclaves noirs africains; 1625, les Espagnols ayant abandonnés la partie occidentale, les premiers colons, des boucaniers et flibustiers d'origine française s'installèrent sur la côte nord et l'île de la Tortue : « les frères de la côte » pillant les navires croisant au large.

1664, nomination du gouverneur de l'île, Bertrand d'Ogeron et 1685 un édit publié  par le roi de France, reconnaissant deux classes humaines : les libres et les esclaves; un code noir régit la police des esclaves.1697 l'Espagne cède à la France le tiers occidental, mettant fin par le traité deRyswick à la guerre triangulaire: France, Angleterre, Espagne. Le consul Bonaparte envoie à St Domingue une armée de 22000 hommes (86 navires) pour écraser Toussaint Louverture, maître de toute l'île, auto proclamé « gouverneur à vie ». C'est le déclenchement de la guerre d'indépendance en aout 1802. Les Français décimés par la fièvre jaune, durent remettre au chef de l'insurrection Dessalines, la ville du Cap et St Nicolas, mettant ainsi fin à la colonisation française en novembre 1803, rendant à Haïti son indépendance en janvier 1804. Les gouvernements républicains se succédèrent jusqu'en 1915 (pas  moins de 16 présidences dans cette période d'instabilité et guerres civiles). Puis l'occupation américaine jusqu'en 1943. Elu en 1957 François Duvalier, médecin, se révèle un dictateur impitoyable avec ses miliciens « tontons macoutes » désignant son fils Jean Claude comme successeur peu de temps avant sa mort. Le 7 février 2001, le président Aristide, conforte son pouvoir et instaure une doctrine sécuritaire forte....après avoir été élu, sachant que seulement 5% des Haïtiens se sont rendus aux urnes !!. L'actuel président René Garcia Préval avec environ 10% de participation électorale, envisage une réévaluation du salaire minimum, actuellement de 70 gourdes, pour passer à 200 gourdes soit environ 5 USD ( 1 USD = 41,5 gourdes). Une bonne nouvelle, le 30/06/2009, la banque mondiale réduit la dette externe d'Haïti d'environ 1,2 milliards d' USD.

Haïti, 27850 km² pour 8 millions d'habitants dont 10 à 15% parlent encore le français, et l'île à vache 4800 ha pour environ 10000 habitants. Aucune infrastructure, pas d'électricité ni eau potable, pas de routes (donc pas de voitures) ni communications, les habitants doivent récupérer leur courrier sur le continent à Cayes. Le niveau de vie est l'un des plus bas du monde, et la scolarité est payante, ce qui explique ces nombreux gamins venant quémander du travail sur nos voiliers pour améliorer les conditions de vie familiales, faire briller les inox, nettoyer les coques, faire de la couture, de la lessive, « du ménage » etc... n'oubliez pas de leur fournir le savon, car ils sont complètement démunis.

Deux hôtels de luxe (une vingtaine de chambres) offrent de bonnes prestations à des prix « européens » 25 USD un plat du jour très succin alors qu'un repas complet chez l'habitant, entrées multiples, lambis, poissons grillés et langoustes pour 10 USD !!!. Il est vrai qu'il faut amortir les 3 millions d'€ d'investissement de l'hôtel. Au retour de Cuba, nous refaisons escale pour une semaine avant de redescendre vers Aruba, puis Curacao. Je retrouve plusieurs contacts, liés lors du passage à l'aller, et prends le temps de visiter un peu l'île à vache, j'apprends ainsi que les dons que nous avons convoyés ne semblent guère profiter aux locaux!!! alors spontanément je redistribue ce que je peux de mes effets personnels, savon, lessive, et même les médicaments dont je pense pouvoir me passer (un clin d'oeil à Daniel F. mon doc préféré qui m'a déjà sauvé la vie et qui par mesure de précaution m'a équipé au départ de métropole en anticoagulants au cas où je ferais une rechute d'embolie pulmonaire, alors les Haïtiens, ditent merci à Daniel!!).

Invités à la fête de l'île, nous décidons d'y aller en annexe depuis l'anse Morgan, car nous sommes plus à l'aise par la mer qu'en empruntant de nuit des chemins non praticables et sans éclairage, soit environ 4km en évitant les zones de corail! un grand moment, Jean Marie, Edouard, Gérard et moi sommes les seuls blancs de la fête, dégustation de mets locaux, sorbets directement fabriqués en râpant un gros pain de glace, un peu de Salsa, en ce qui me concerne ce n'est pas terrible, accompagnés de bière locale.

Yvon

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30 juin 2009 2 30 /06 /juin /2009 20:06
l'entretien des illusions.


La  "Transcaraïbes"  2009: 18 voiliers( 6 catamarans et 12 monocoques) 1350 nm de navigation soit près de 2500 km pour rallier Cuba depuis la Guadeloupe, via St.Martin, la république Dominicaine, Haiti et Jamaica.Évènement remarquablement orchestré par notre organisateur et ami Stéphane L. Arrivée à Cienfuegos le 27 avril 2009, formalités d'entrée simplifiées dans le cadre de la Transcaraibes, 5 administrations d'état contrôlent chaque voilier, normalement, mise sous scellés de tout matériel de communication et positionnement!! fouille, contrôle sanitaire, chien renifleur etc...et à toute sortie de la marina, vérification des sacs à dos ou à main... Ensuite « Parade des participants, » filmée par la télé Cubaine, puis réception en grande pompe au Yacht Club danseuses cubaines et traditionnels discours des autorités après quoi: repas d'accueil : « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». 

 

Vient ensuite le temps des visites « encadrées » dans des cars climatisés des agences de voyage ( Cubanacan ou Havanatour etc..)pour touristes (les locaux laissent passer les cars quasiment vides car trop chers pour s'entasser dans des espèces de bétaillères, et souvent debout . Trinidad, La Habana ...visite guidées des sites autorisés: fabrication de cigares avec magasins attenants,monuments historiques de l'ère hispanique restaurés par les fonds étrangers!! Visite du Palais présidentiel de 1920 à 1959, devenu musée de la révolution où il est rappelé qu'en 1956 une bande d'étudiants l'attaquère pour renverser la dictature de Fulgencio Batista. L'architecture de l'ancien centre Gallego (1912) devenu théatre de la Havane. Une foule de monuments hérités d'avant la révolution forme le patrimoine de Cuba, car les panneaux vantant les mérites révolutionnaires à l'effigie de Fidel, Che, et même Chavez placardés partout en ville, dans les campagnes, le long des routes, montrent bien une sérieuse misère culturelle.
Nous logeons pour une nuit dans un Hotel 5 étoiles réservé aux touristes bien que les guides n'hésitent pas à vanter le coté partage de joies naturelles fascinant ceux qui viennent à la rencontre des Cubains...j'ai essayé! Ainsi un Cubain m'a expliqué qu'il avait purgé un an de prison pour avoir vendu illégalement une boîte de cigares à un touriste..
 Je suis un peu exaspéré par cette arnaque d'état de monnaie parallèle, le « CUC »ou peso convertible inventé pour ne pas mélanger Cubain et étranger ,il fallait y penser! : Le peso cubain nous est interdit (1€=36 pesos cubains soit: 1,25 CUC) nous devons tout payer en CUC, aussi la vie à Cuba devient aussi chère qu'en Europe (voir plus, par exemple, la location d'une petite voiture revient à environ 50€ par jour alors que le salaire moyen est d'environ 15€ par mois ?).Nous n'avons pas accès aux magasins d'état (ça tombe bien, les étagères sont quasiment vides!) l'entrée dans un restaurant refusée car les places sont réservées aux travailleurs le midi « revenez à 15h!!! ». Décidé à visiter l'île, route vers Vinales et Pinar de Rio, logé en « Casa particulare », il est intéressant de voir que seuls , ceux affichant le sigle locatif d'état, sont habilités à recevoir des étrangers

(formalités de contrôle identitaire obligées, et paiement d'une redevance à l'état très conséquente).Premiers réels contacts avec une population déjà triée, mais au fil des jours et sans témoin, un dialogue s'installe doucement, ainsi un planteur de tabac explique que 90% de la production va directement à l'état, le reste devant servir à payer le personnel et faire tourner la ferme... les mots sont toujours un peu masqués, la crainte réelle de la délation plane en permanance. La vallée de Vinales avec ses formations karstiques en formes de cône appelés « mogotes » et ses palmiers géants (en hauteur) forment un site naturel très beau, où un artiste Cubain (Leovigildo Gonzalez) à réalisé une fresque naïve de 180m de large par 120m de hauteur représentant l'histoire du monde depuis les dinosaures jusqu'à nos jours, le tout d'un goût plus que douteux.
Le 1er Mai, nous sommes sollicités pour défiler dans la grande manifestation de rue à Cienfuegos, où des dizaines de milliers de personnes marchent àgrands renforts de « Viva Cuba libre » et « libertad » difficile de leur expliquer
que ce mot n'a à nos yeux, aucune signification dans ce contexte. J'y suis , pavillon français oblige mais très perplexe.

Dimanche 10 mai, appareillage pour les « jardins de la reine » en compagnie de « sweet life » Edouard et Jean Marie, deux solides marins normands et le frêle Gérard sur « Betty Boop ».Un grand moment de navigation, une étendue de 400 km de longueur par 80 km de large et une profondeur moyenne de 20 m, une immense réserve de langoustes et poissons, fermée au sud par une barrière naturelle de coraux. Escale au mouillage à l'île déserte de Cayo Cuervo, nous dégustons les langoustes pêchées du jour à bord de « Sweet life » puis je réintègre de nuit sans lune mon bord avec l'annexe, après avoir laissé passer la série d'orages du soir. Ma surprise est grande de constater que l'annexe s'échoue avant d'atteindre « emrener ». Les rafales de vent ont eu raison de la tenue à l'ancre. Je suis échoué en bordure de mangrove faisant ainsi le tour du bateau à pied. Je dispose 3 lignes de mouillage supplémentaires avec l'annexe pour empêcher l'Ovni de continuer à monter sur la mangrove. Le déséchouage ne se faisant qu'au matin après avoir fait un relevé des sondes, pour permette de déterminer l'approche de « sweet life » qui avec l'inertie de ses 20 tonnes, me sort sans difficulté à la deuxième tentative. Un grand merci aux pros de la mer. Le jeudi 14 mai, mouillage et plongée à Cayo Manuel Gomez, au menu langoustes, je capture une tortue de mer et après un quart d'heure de jeu, je la libère sereine, un bisou sur le bec. Nous faisons connaissance de pêcheurs Cubains, vivant à 5 sur un bateau propriété de l'état, en ferro-ciment de 20 ans d'age, d'environ 10m de long pour un mois de pêche et 2 semaines de repos pour un salaire de 40€ par mois.

Les conditions de vie à bord se rapprochent de celles des marins bretons d'il y a 60 ans. Leur étonnement devant un bateau de plaisance !!! levés très tôt, ils me ramènent 3 énormes langoustes comme cadeau d'adieu lors de l'appareillage. Là aussi discutions sur l'avenir, il est difficile de laisser un régime politique agir de la sorte. Dimanche 17, mouillage à Cabo Cruz, interdiction de mettre pied à terre par les représentants de l'état sous le motif qu'un port de pêche n'est pas une marina ?? alors route sur Maréa del Portillo, même problème, en plus les autorités me confisquent le permis de circulation!! pour être bien certain que je ne débarque pas!. Enfin mercredi 20, accostage à Santiago de Cuba, lieu de sortie pour les formalités. Un tour à Santiago dans une Chevrolet de 1950, quasiment mon âge mais en moins bon état, car avec l'embargo américain, c'est la débrouille qui remplace les pièces de rechange, nos technocrates français du contrôle technique s'arracheraient ici les cheveux: pas de freins sérieux, 3 cylindres sur 6 fonctionnent encore, descentes en roulette mais le tout dans une bonne humeur. Je suis content de quitter Cuba, car lassé d'être pris en otage et raquetté par ce système politique qui ose parler à son peuple de liberté. Ceci dit, il ne faut pas boycotter les Cubains; ils sont chaleureux et victimes. Tous leurs espoirs se fondent sur la fin d'un régime communiste dépassé et représenté par des fossiles, qui malheureusement se cramponnent.
 Le remplacement de Fidel par Raul Castro (77ans) qui tente d'entreprendre quelques réformes comme la fin de l'égalitarisme salarial, de la réforme agricole ! Et la liberté d'achat de portables et ordinateurs (un jeune m'expliquait que les portables n'ont pas accès à l'international ?), bref quelques espoirs de liberté semblaient faire surface, quand j'apprends le limogeage à la Stalinienne du vice-président Carlos Lage et du ministre des
affaires étrangères Felipe Perez Roque. Je crains fort que l'équipe de Barak Obama et d'Hillary Clinton aient du mal à faire venir Cuba dans l'OEA (organisation des états américains), alors que les USA proposent la levée depuis 1962 contre Cuba. Les vieux orthodoxes du PC Cubain craignent sans doute cette ouverture comme leur condamnation à court terme, se sentant déstabilises par la main tendue d 'Obama à rejoindre l'OEA. Ça me rappelle mon expérience au Vietnam (pour le compte des « Abeilles international ») avant, pendant et après la levée de l'embargo américain, où j'ai pu observer la mutation rapide des cadres communistes vers une exploitation personnelle de l'ouverture... Les USD n'auront pas plus d'âme à Cuba qu'au Vietnam.
Viva la Libertad


Mounès Yvon

 

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15 mars 2009 7 15 /03 /mars /2009 10:27

KICK EM JENNY

 

A la lecture de la dernière missive sur la route du Carnaval, mon ami Pierre (de Guadeloupe), étonné du passage d' « emrener » sur le volcan sous-marin le plus actif des Caraïbes, m'amène effectivement à me poser quelques questions sur mes observations. Petit rappel:

Situé à 7,5 Km au Nord de Grenade et 4,5 km à l'ouest de l'ile Ronde, c'est un volcan de « subduction » perché sur la plaque des Caraïbes, à l'endroit où s'enfonce celle de l'Amérique du sud, passant donc en dessous.

Les remontées de lave, au contact de l'eau de mer créent des explosions, entendues dans les Grenadines, Grenade et jusqu'en Martinique, la dernière éruption remontant à décembre 2001, une zone de sécurité de 3 Km de diamètre a été définie afin d'y éviter toute navigation. C'est une structure en « fer à cheval » dont la base, vers l'ouest est à 1300 m de profondeur, son cratère de 350m de diamètre, culminait à -160m en 1992. Le volcan est monté de 75m en 30ans, et à ce rythme, il devrait émerger en 2055, mon raisonnement est farfelu, car il n'est pas question de croissance linéaire dans ce domaine, une solide éruption fera le reste. En fait, le risque primaire serait plutôt un mouvement de dôme de lave ou d'éruption provoquant un tsunamis. Sa position cartographiée est: 12°18,00 N , 061°38,24 W.

Maintenant, commence le doute, le 19/02/2009 au centre du cercle, où théoriquement le sommet du volcan devrait se situer à -118m, je n'ai rien observé ,alors qu' à 503m dans le 110°le 11/11/2008 mon sondeur (un Navman vulgarus !) m'indique -55m pour -235m au même endroit sur la carte; pas de confusion possible avec le Kick em Jack qui lui est plus  à l'Est.
(documentation bathymétrique du 12/03/2002; "courtesy seismic research"
)

Trace d'Emrener à la recherche du Kick em Jenny.
Quelle explication donner? Sur la position, c'est peut être un décalage géodésique, phénomène fréquent et connu des navigateurs utilisant les cartographies numérisées. En tous cas la sonde de -55m est la plus étonnante, car cela signifierait que le sommet du volcan est plus haut que prévu !! une élévation de 63m ça ne passe pas inaperçu des sismographes. Bref lors de ma prochaine remontée vers la Guadeloupe, je ferai quelques contrôles de sondeur si le Kick em Jenny continue à faire la sieste.

Yvon

 Emrener au mouillage
                                       à l'île Ronde (4,5 km du Kick em Jenny)

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15 mars 2009 7 15 /03 /mars /2009 10:27
 

 

La Route du Carnaval 2009

du 14 au 24 février (de la Martinique jusqu'à Trinidad)

 

Organisée par S.Legendre ainsi que la « Transcaraïbes » prévue du 04 au 28 avril, de Guadeloupe à Cienfuegos (Cuba) avec des étapes allant jusqu'à 330 milles, en passant par St.Martin, la république Dominicaine, Santo Domingo, Isla Beata, la Jamaique etc...

« emrener » appareille dans la matinée du dimanche 15 février pour Ste Lucie, histoire de faire quelques approvisionnements alimentaires et carburant, il me reste moins d'un litre d'essence pour l'annexe, les mouvements sociaux des Antilles françaises ayant réussi à paralyser les îles de tous les services vitaux, mais sans doute pas de la perception des subsides financiers versés par l'état métropolitain. Lundi 16 février, me voici sur la plage de Rodney bay en compagnie d'une douzaine d'équipages de la route du carnaval, soit: 6 catamarans et 7 monocoques, à siroter le pot de l'amitié et aussi celui de mes 60 ans, que ma proche famille et quelques amis très sincères n'ont pas manqués de me souhaiter.

Lors du trajet Carriacou Grenade, je décide de passer au centre de la zone de danger du volcan « Kick En Jenny »,pour en évaluer son niveau sous la surface de la mer,mais aucune trace au sondeur, alors qu'à la remontée je l'ai mesuré à -55m, mais à 0,23 mille dans le 111° du centre cartographié soit à la position 12°17,918 N et 061°37,971 W. Je surveille attentivement la surface de la mer, car la moindre trace de bouillonnement signifiant le rejet par le volcan de gaz, diminuant la densité de l'eau de mer, et happant ainsi vers le fond, tout navire à sa portée. C'est je pense l'explication la plus plausible des disparitions de navires et peut-être aussi d'aéronefs dans le triangle des Bermudes.

Je limite autant que possible les navigations de nuit, étant en solitaire, car le long des côtes ,le trafic de bateaux de plaisance naviguant en cette période y est important. J'attaque les 100 milles de Grenade à Trinidad, et après une heure de route, le pilote automatique se met en grève !, rendant la navigation moins plaisante, avec 3 mètres de creux et un vent moyen de 30 nds au 060°pour finir par une entrée de nuit dans la baie de Scotland,où au mouillage, les singes hurleurs n'ont pas raison de mon sommeil.

Chaguaramas, passage obligé en entrée, pour les formalités d'immigration et de douane avant d'aller au mouillage au TTSA (Yacht-Club) et se préparer au carnaval.

Celui de Trinidad se veut être l'un des plus beaux du monde après Rio, trois jours de fêtes intenses, préparé depuis des mois, à confectionner parfois des costumes si imposants en taille, près de 5 mètres de hauteur et presque autant en largeur, à partir de matériaux composites et aluminium,si bien que le support est un chassis sur roulettes que le danseur ou la danseuse doit piloter en dansant et faisant attention au vent qui parfois se lève entre les grains. Des orchestres accompagnent des chanteurs pour postuler à l'élection de la March Road, hymne annuel du carnaval, ainsi nommé:un roi choisit sa reine.

Trinidad est l'île la plus méridionale de la Caraïbe, divisée en groupes ethniques, religieux et sociaux, d'où cette rencontre des occidentaux avec les amérindiens, puis les esclaves noirs et travailleurs indiens venus récolter la canne à sucre. Ce sont sans doute des colons français à la fin du 18 ème siècle, venus des Antilles avec leurs esclaves, à la demande des espagnols craignant perdre leur colonie, qui sont à l'origine du carnaval.C'est un des plus réglementé, mais en fait un des plus libre dans l'expression.

Les Steels bands, formés à l'origine dans les quartiers distillent sur des fûts de pétrole métalliques,des flots de décibels (les instruments à peau tendue leur étant interdit à l'origine).Malheureusement,de plus en plus remplacés par des semi-remorques où sont installés des groupes électrogènes de forte puissance alimentant des amplis de plusieurs kilowatts déversant un torrent de décibels au travers d'un mur de haut-parleurs; le jeu consistant à faire le plus de bruit possible. A leur passage les basses me mettent la cage thoracique en résonance, c'est à peine supportable, mais le rythme de la Soca ou de la Calypso sont tellement prenants. Ainsi, plus de 200 mille personnes participent à la fête dont près de 40 mille étrangers.

Aujourd'hui le carnaval de l'île à conservé l'héritage des esclaves travaillant aux plantations de café ou de cacao, parodiant leurs maîtres, oubliant un peu le joug de l'esclavage, d'où ces personnages de dame Lorraine, le nègre jardin ou encore le pierrot Grenade, mêlés aux festivaliers costumés.

Cette année 2009 a vu le couronnement de Faye-Ann Lyons (enceinte de 8 mois) entrer dans la légende du Soca: « madame Fireman » en remportant la Soca monarch en plus des catégories power et groovy, sans compter le prix du public.

Tout a une fin, maintenant c'est démontage du guindeau pour remise en état, de l'échangeur eau de mer ,de sa pompe, l'émetteur BLU et le pilote auto, etc...avant de repartir vers la Caraîbe du nord, et toujours en solitaire.
Yvon 

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